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100 000 décès/an attribués aux particules fines en France

Un décès sur cinq dans le monde serait lié à la pollution de l’air

En France, près de 100 000 décès seraient attribués chaque année aux particules fines issues de la combustion des énergies fossiles, selon une étude de Harvard. Le double de l’estimation officielle des autorités sanitaires.

Le nombre de décès imputables à la pollution de l’air est très largement sous-estimé. Tel est l’enseignement majeur d’une étude inédite parue mardi 9 février dans la revue scientifique Environmental Research. Des chercheurs en santé environnementale de l’université Harvard (Etats-Unis), en collaboration avec leurs collègues britanniques des universités de Birmingham, Leicester et Londres, ont cherché à mesurer la mortalité due aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) issues de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et diesel principalement). Leurs résultats sont alarmants.

En France, selon leurs calculs, près de 100 000 décès prématurés (97 242) seraient attribués chaque année à la pollution de l’air extérieur liée aux énergies fossiles. Soit 17,3 % de l’ensemble des décès. Un bilan en hausse de près de 45 % par rapport à la dernière estimation : une étude publiée en mars 2019 dans l’European Heart Journal, la revue médicale de la Société européenne de cardiologie, évaluait à 67 000 le nombre de décès liés à la pollution de l’air, toutes sources confondues. 97 242 morts, c’est plus du double du chiffre officiel de 48 000 décès retenu depuis 2016 par Santé publique France et repris dans toutes les communications institutionnelles pour alerter des dangers de l’exposition à un air dégradé.

Le même différentiel se retrouve à l’échelle de la planète. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réfère toujours à 4,2 millions de décès imputables à la pollution de l’air extérieur, sur la base de l’année 2016. Les chercheurs de Harvard arrivent eux à un total de 8,7 millions de morts prématurées sur la base de l’année 2018. Soit un décès sur cinq dans le monde. La Chine, où la situation s’améliore cependant depuis une dizaine d’années, paie toujours le plus lourd tribut avec 2,4 millions de victimes.

Résolution spatiale

Comment expliquez que la mortalité attribuée à la pollution de l’air ait pu à ce point être  sous-estimée jusqu’ici? Tout d’abord, à la différence des évaluations précédentes, qui s’intéressaient à toutes les PM2,5, sans chercher à les distinguer en fonction de leur source d’émission, les auteurs se sont concentrés sur les particules d’origine fossile. Or, comme le rappelle le professeur Thomas Bourdrel, du collectif Air-SantéClimat et auteur de plusieurs publications de référence sur la pollution de l’air,« toutes les particules ne se valent pas ».

Parce qu’elles comportent un noyau central de carbone pur et qu’elles sont entourées à leurs surfaces d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérogènes, les particules de combustion primaire sont « beaucoup plus toxiques» que celles formées à partir des épandages agricoles ou des poussières du désert qui avaient donné une teinte orangée au ciel dans l’est de la France samedi 6 février.

 

Photo by Jacek Dylag on Unsplash

Afin d’identifier et de mesurer la concentration dans l’air des particules issues de la combustion fossile, les chercheurs ne se sont pas contentés, à la différence des études  précédentes, d’analyser les images satellites. Ils ont utilisé un modèle mathématique de  résolution spatiale en 3D baptisé GEOS-Chem et développé par l’université Harvard qui  permet de reconstituer les transferts de pollution dans l’atmosphère en Les évaluations précédentes s’étalent Intéressées à toutes les particules fines, sans distinction temps réel.  «Le modèle divise le monde en de multiples « boîtes » de 50 km sur 60 km. Il nous a permis de déterminer les niveaux de concentrations en particules issues de la combustion fossile dans chaque boîte», explique Kam Vohra (université de Birmingham), un des auteurs  principaux. Désormais, nous sommes en mesure de savoir plus précisément ce que les  gens respirent.» Les cartes réalisées par les chercheurs montrent ainsi qu’en France les  «boîtes» virent au rouge particulièrement en Ile-de-France.

Autre piste d’explication,  l’article publié dans Environmental Research se fonde sur un nombre sans précédent  d’études récentes, notamment épidémiologiques, et une méta-analyse, qui n’avaient pu  être incorporées dans les estimations précédentes. Grâce à ce corpus, les auteurs ont pu élaborer un nouveau modèle d’évaluation des risques.

 

Toxicité du chauffage à bois

 

Ils ont  ainsi mis à jour et revu à la hausse le « risque relatif» à l’exposition aux particules fines liées aux énergies fossiles. Ils ont constaté que les effets de la pollution sur la santé étaient  largement sous-estimés à la fois lors d’exposition chronique à de très fortes concentrations (notamment en Asie) mais aussi à plus faible dose comme en Europe ou en  Amérique du Nord. Preuve supplémentaire que les effets délétères des particules fines, les plus dangereuses car elles pénètrent profondément dans l’organisme, se font ressentir même en deçà de la limite préconisée par l’OMS (10 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle) qui servait jusqu’ici de référence pour évaluer la mortalité de la pollution de l’air.

« Souvent, lorsque nous discutons des dangers de la combustion des énergies fossiles, c’est dans le contexte du CO2, et du changement climatique et nous négligeons l’impact potentiel sur la santé des polluants émis avec les gaz à effet de serre,  commente Joel Schwartz, professeur d’épidémiologie environnementale à Harvard et  coauteur de l’article. Nous espérons qu’en quantifiant les conséquences sanitaires de la  combustion fossile nous envoyons un message clair aux décideurs politiques et au grand  public quant aux bénéfices d’une transition vers des sources d’énergie alternatives. »

L’étude du professeur Schwartz et de ses collègues fait en revanche l’impasse sur d’autres  particules, pourtant similaires en termes de toxicité et de composition: celles issues du  chauffage au bois. Une étude européenne coordonnée par l’Institut Paul-Scherrer (Suisse)  et publiée en novembre 2020 dans la revue Nature montrait qu’elles comptaient parmi les  plus dangereuses, en raison de leur potentiel oxydant, avec les particules métalliques  générées par l’usure des freins et des pneus et des véhicules. De quoi revoir de nouveau à  la hausse le bilan de la pollution de l’air dans une prochaine publication.

STÉPHANE MANDARD
Article publié le 09 février 2021 dans Le Monde

Diesel : des millions de particules dans les enfants

Une étude, menée pour la première fois en France, démontre la présence massive de nanoparticules toxiques chez une vingtaine d’enfants à Strasbourg.

Plus d’1 million de particules ultrafines par millilitre d’urine, issues de la pollution principalement diesel, ont été retrouvées.

Les nanoparticules (ou particules ultrafines), sont les plus dangereuses pour la santé, augmentant considérablement le risque de cancer et de maladies cardiovasculaires (principalement le risque d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus) mais aussi franchissant le placenta avec des répercussions sur le fœtus.

Les nanoparticules dosées dans cette étude sont des particules carbonées qui proviennent en ville majoritairement du parc diesel et qui ont été dosées dans les urines grâce à la mesure d’un de leurs composants: le « black carbon ».

Si ces nanoparticules sont encore peu mesurées dans l’air ambiant, la nouvelle étude conduite par l’équipe du professeur Tim Nawrot dresse un constat édifiant du niveau de pollution liée aux nanoparticules à Strasbourg.

Il révèle surtout un lien significatif entre le taux de particules dans les urines et la distance d’habitation de l’enfant par rapport à un axe routier. Les taux mesurés dans les urines d’enfants strasbourgeois sont superposables à ceux retrouvés sur de précédentes études dans les urines d’enfants résidents à Anvers (Belgique)[1].

Les particules de « black carbon »

Photo by Alex Presa on Unsplash

Ces millions de particules retrouvées dans les urines d’enfants résidant dans différents quartiers de Strasbourg, sont des particules de combustion (diesel, bois, charbon..) qui sont composées de carbone pur (black carbone). Au centre de la particule et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux à la surface de la particule.

Ces particules carbonées sont les plus toxiques de par leur composition, et de par leur taille (particules ultrafines – nanoparticules – de moins de 0,1 µm), qui leur permet de franchir la barrière pulmonaire et d’atteindre tous les organes.

Dans les métropoles françaises, la source principale de ce type de particules est le parc diesel – l’essence n’émettant pas ou très peu de black carbone. Tout comme le chauffage au bois l’hiver, et les industries de type incinération et papeterie par exemple.

 

Inégalité d’exposition des enfants

A noter que des taux encore bien plus importants ont été retrouvés dans les villes les plus polluées de Pologne en raison notamment des centrales à charbon. Mais, au-delà des taux de particules retrouvées, cette étude souligne surtout l’importante inégalité d’exposition des enfants avec des taux significativement plus élevés pour les enfants qui résident à proximité d’un axe routier à Strasbourg.

En effet, les taux de particules mesurés sont directement proportionnels à la distance de l’habitation par rapport à un gros axe routier.

Enfin, rappelons qu’il n’existe pas d’effet de seuil concernant l’effet des particules fines sur la santé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de niveau en dessous duquel il n’y a pas d’effet, ainsi, une exposition – même à de faibles quantités de particules – sur plusieurs années aura un impact considérable sur la santé.

Nous appelons donc les pouvoirs publics à intensifier les mesures de lutte contre la pollution de l’air en :

  • mettant en place des zones à faibles émissions excluant les véhicules diesel
  • réduisant les émissions du chauffage collectif ou individuel au bois
  • renforçant le contrôle et les sanctions sur les émissions industrielles comme l’ont rappelé plusieurs associations et médecins lors d’une récente tribune[2].

 Rappelons enfin que la pollution de l’air est responsable de plus de 15% des décès liés au COVID-19. Dans le contexte sanitaire actuel, la lutte contre la pollution de l’air est urgente et ne peut être encore retardée.


 

Une enquête du collectif Strasbourg Respire, menée par le professeur Tim Nawrot, a quantifié les nanoparticules – dangereuses pour la santé – dans les urines d’une vingtaine d’enfants strasbourgeois. La proximité avec des axes routiers augmente donc leur présence dans l’organisme !

Débat organisé par le Club de la Presse Strasbourg Europe

 

 


Mise au point sur la relation virus et particules fines

A partir du moment où l’on considère:

Nous maintenons qu’il est donc probable qu’une pollution aux particules fines – quelle que soit son origine (combustion, épandages etc..) – peut jouer un rôle sur la propagation virale.

Gabriel Synnaeve : https://www.flickr.com/photos/34097434@N04

Reste l’interrogation de la viabilité du virus à l’air libre et de la quantité de virus (charge virale) nécessaire pour être infecté.
Néanmoins compte tenu également du fait que la pollution aux particules fines majore le risque d’infections en rendant notre organisme davantage vulnérable à celles-ci, nous en appelons une nouvelle fois au principe de précaution et demandons que toute forme de pollution soit limitée.
Et, conformément aux recommandations de l’académie de médecine et aux dernières études parues dans Nature (3), nous insistons sur l’importance du port du masque pour tous.

  1. https://www.mdpi.com/1660-4601/16/6/941/htm
  2. sciencemag.org/news/2020/04/you-may-be-able-spread-coronavirus-just-breathing-new-report-finds
  3. nature.com/articles/d41586-020-00502-w

Épandage agricoles et propagation des virus

La pollution de l’air, en plus de fragiliser notre système immunitaire et de nous rendre plus sensibles aux infections notamment virale, permet également une meilleure diffusion et donc une meilleure transmission des agents pathogènes tels que le coronavirus. Cela est connu depuis longtemps pour le SARS(1) et les virus de la bronchiolite. Cela a également été récemment démontré pour le coronavirus en Italie, avec davantage de transmission et de propagation du virus, en fonction des taux de particules fines.
Les particules fines servent donc de vecteurs, de transporteurs au virus qui se déplace d’autant plus facilement lorsque l’air est chargé de particules fines. Fort heureusement les mesures de confinement font coup double, à la fois en limitant le risque de transmission entre les individus, mais également en diminuant la pollution, notamment aux particules fines du trafic routier et les effets sanitaires associés.

Les épandages agricoles

Néanmoins, comme on le voit actuellement à Paris, le printemps est la période  d’épandage agricole, grand pourvoyeur de particules fines. En effet, lors des épandages, le gaz ammoniac (NH3) va, en passant dans l’atmosphère, réagir avec les oxyde d’azote (NOx) pour former des particules de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium.
Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables de pics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai. Ces particules printanières sont, de par leur composition, moins toxiques que des particules de combustion issues par exemple du trafic routier néanmoins elles vont également servir de vecteur de transmission au virus.
Ces particules peuvent voyager sur plusieurs kilomètres et donc transporter également le virus sur de longues distances!
Nous appelons donc les préfets à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement – les émissions liées aux épandages agricoles (restriction, technique d’enfouissement de l’engrais) afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus.

  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de recherche INSERM  / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR ;
  • Docteur Mallory Guyon, Collectif Environnement Santé 74 ;
  • Docteur Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg Respire ;
  • Docteur Gilles Dixsaut, Fondation du souffle contre les maladies respiratoires ;
  • Docteur Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF) ;
  • Docteur Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche LPC2E-CNRS ;
  • Guillaume Muller, association Val-de-Marne en Transition
Liens utiles :

Pollution de l’hiver

 » Ce qu’il y a de plus dangereux pour la santé dans la pollution de l’air, ce sont les particules fines « , assure le radiologue strasbourgeois Thomas Bourdrel, fondateur du collectif Strasbourg Respire il y a six ans. Celles qu’on appelle les PM (particulate matter) tuent 48 000 personnes par an en France, devant le dioxyde d’azote et l’ozone.


En plus d’avoir des conséquences sur le système respiratoire, les particules provoquent des cancers, des infarctus, des AVC, perturbent la grossesse. « On a vu des associations avec les troubles autistiques, les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson ou la sclérose en plaques. »

Absence d’outils de mesure

« On nous dit que la pollution recule, mais on n’a pas le bon thermomètre, dénonce le médecin. Parce que c’est uniquement sur la base des PM10 qu’on déclenche des pics de pollution. »
Ces particules fines (moins de 10 μm de diamètre, six fois plus petites qu’un cheveu) restent dans les voies aériennes supérieures. Mais les PM2,5, plus petites et plus dangereuses, atteignent les alvéoles pulmonaires.

Quant aux PM1 et PM0,1, les ultrafines ou nanoparticules, ce sont les pires puisqu’elles migrent vers le sang, les organes et le cerveau. Et elles ne sont pas dosées officiellement. «Actuellement, il est très probable que [celles-ci] aient fortement augmenté, notamment avec l’utilisation des filtres à particules sur les moteurs. On a créé un nouveau type de pollution qu’on ne suit pas ! » La nocivité des PM dépend non seulement de leur taille mais aussi de leur composition.

« L’hiver, 80 % sont issues de la combustion : ce sont les plus toxiques. Elles sortent d’un moteur, d’un chauffage au bois ou d’un incinérateur. »
Dans leur noyau, on trouve du carbone pur — c’est ce noir sur la neige ou sur les façades. Il a un impact sur le réchauffement climatique, mais pas sur la santé. En revanche, ces particules portent sur leur surface des métaux lourds et des HAP, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, cancérogènes.

C’est ce qui les rend beaucoup plus délétères que d’autres familles de particules, comme le sable du Sahara, les embruns marins ou les pollens.


Paru dans les DNA du 21 janvier 2020

Voir aussi le quizz des DNA sur la pollution de l’air

Oui, la pollution de l’air et le diesel sont cancérigènes !

TRIBUNE. Le collectif Air-Santé-Climat dénonce les contre-vérités publiées à propos de la pollution de l’air et du diesel, dangereux pour la santé.

(Article également publié dans LePoint du 02 décembre 2019)

Dans une chronique publiée par Le Point du 12 novembre intitulée « Contre le diesel, un acharnement infondé », Jean de Kervasdoué affirme que la pollution de l’air et le diesel ne sont cancérigènes qu’à forte dose et que chez les fumeurs. Michel Aubier déclarait déjà cela dans l’émission Allô docteurs en mars 2016. Or c’est faux et c’est même l’inverse : un fumeur a déjà un risque de cancer du poumon tellement augmenté par la cigarette que la pollution de l’air – notamment diesel – ne modifie pas significativement ce risque.

À l’inverse, chez les non-fumeurs, l’exposition à la pollution de l’air, notamment au diesel, majore fortement le risque de cancer du poumon.

Lire aussi Jean de Kervasdoué – Contre le diesel, un acharnement infondé

Des études initiales chez les mineurs exposés au diesel, que cite allègrement Kervasdoué, il ressort que chez les mineurs les plus fortement exposés au diesel pendant plus de quinze ans, le risque de cancer du poumon est multiplié par 7 chez les non-fumeurs (1). L’inverse donc de ce qu’il déclare.

Depuis, de nombreuses autres études ont confirmé cela, y compris dans la population générale, et ont bien démontré que même à faible concentration, l’exposition sur le long terme à la pollution de l’air majore le risque de cancer du poumon et que ce sont les non-fumeurs et les anciens fumeurs qui voient leur risque de cancer du poumon le plus augmenté par la pollution de l’air, notamment diesel (2).

Ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer

Qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ?

Mais au-delà de l’épidémiologie, revenons à la toxicologie : qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ? Prenons les principaux éléments : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tel que le benzo(a)pyrène, tellement cancérigène que sa manipulation est désormais interdite en laboratoire, cancérigène pour de très nombreux organes, notamment pour le poumon.

C’est en grande partie sur base de la présence de benzo(a)pyrène que la cigarette a été classée cancérigène certain en 1996. En ville, le diesel représente une des principales sources d’émission de ce benzo(a)pyrène (3).

En termes de substances cancérigènes, ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer.
L’exposition à la pollution de l’air et au diesel est donc cancérigène chez les gens professionnellement exposés (garagistes, chauffeurs de bus et de poids-lourds), mais également dans la population générale (4) .

Lire aussi Moins il y a de pollution, moins nos enfants souffrent d’asthme

Rappelons que c’est sur la base de ces HAP et des métaux lourds présents à la surface des particules émises par le diesel (mais aussi par la combustion du charbon, du bois et les usines de type incinérateurs) que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a classé le diesel puis la pollution de l’air comme cancérigènes certains, respectivement en 2012 et 2013.

Toujours les mêmes substances dangereuses

Parmi tous les nombreux polluants de l’air, les substances cancérigènes sont toujours les mêmes : HAP, métaux lourds, formaldéhyde et butadiène. Tous proviennent majoritairement en ville du trafic routier et notamment du diesel.

Dans l’air intérieur, ces mêmes substances proviennent majoritairement du tabac. Diesel et tabac ont donc de nombreux composés toxiques en commun, il est donc logique de retrouver des effets similaires sur la santé (cancer, maladies cardiovasculaires et respiratoires).

Les filtres à particules sont loin d’avoir réglé la toxicité du diesel

Certes, les pots catalytiques avec filtre à particules ont permis de diminuer certaines émissions toxiques des véhicules diesel, néanmoins les HAP cancérigènes tels le benzo(a)pyrène sont présents à la surface des particules ultrafines – qui ne sont que peu arrêtées par les filtres – et sont émis également sous forme de gaz.
Gaz pour lesquels les filtres à particules et catalyses sont peu efficaces, notamment en ville.

Les diesel, y compris récents, restent en ville la source principale de NO2, gaz toxique.

D’autre part, Jean de Kervasdoué omet de parler des autres émissions du diesel. En effet, le diesel est la principale source de NO2 (dioxyde d’azote), autre gaz extrêmement toxique pour le poumon et le système cardiovasculaire. En ville, il provient à 60 % du parc routier. Un diesel récent émet six fois plus de NO2 qu’un véhicule essence (5).

Les diesels récents potentiellement plus dangereux

Une étude récente de l’American Journal of Critical Care and Respiratory Medecine démontre que pour les asthmatiques, les diesels récents avec filtre à particule sont potentiellement plus dangereux que les diesels anciens avec davantage d’effets toxiques sur l’hyperréactivité bronchique allergique lorsque les patients sont exposés à du diesel filtré.
Les auteurs de cette étude expliquent cet effet toxique par le NO2, qui est émis en plus grande quantité sur les diesels modernes équipés de filtres à particules (6)

 

Les médecins et scientifiques du collectif Air-Santé-Climat :

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[1] J Natl Cancer Inst. 2012 Jun 6;104(11):855-68. doi: 10.1093/jnci/djs034. Epub 2012 Mar 5 : The Diesel Exhaust in Miners study: a nested case-control study of lung cancer and diesel exhaust.

[2] Olsson et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011 Apr 1; 183(7)Turner et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011 Dec 15; 184(12) — G.Chen et al. Thoracic Cancer 6(2015) 307-318Beelen et al. Epidemiology. 2008; 19: 702–10

[3]https://www.airparif.asso.fr/_pdf/publications/bilan-hap-130702.pdf

Particules ultrafines et HAP, la pollution cachée des véhicules diesel : Article sur lemonde.fr et article entier sur notre site

[4] Raaschou-Nielsen et al., Lancet Oncol. 2013 Aug;14(9):813-22

[5]http://www.asef-asso.fr/actualite/le-collectif-air-sante-climat-reagit-aux-annonces-mensongeres-sur-le-diesel/

[6]https://www.atsjournals.org/doi/abs/10.1164/rccm.201809-1657OC

Lutter pour le climat – pas au détriment de la santé

Article publié sur Alternatives Economiques.

Focalisé sur la réduction des émissions de CO2, la lutte contre la pollution conduit à une augmentation des autres polluants dans l’air. Un collectif de médecins, chercheurs et associations appelle à mettre fin à cette grave contradiction.

Jeudi 24 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ».
Cette sanction met à nouveau en lumière les contradictions de l’Etat et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui, dans leur légitime volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (en particulier de CO2), continuent malheureusement de prendre des mesures conduisant à une augmentation des polluants dans l’air.
Parmi eux, le dioxyde d’azote (NO2), mais aussi les particules fines, ultrafines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les perturbateurs endocriniens.

Une politique cohérente de lutte contre les émissions doit pourtant être présente sur les deux fronts : diminution du CO2 ET de tous ces polluants toxiques. Rappelons que la pollution atmosphérique, qui en Europe tue autant que le tabac, est responsable de 68 000 décès par an en France.

Or, la focalisation sur les seules émissions de CO2 a conduit les gouvernements successifs et l’Ademe à dégrader la qualité de l’air. La promotion des véhicules diesel pendant plus de 20 ans, via un système de bonus-malus, est en particulier une ineptie sanitaire.

Ces véhicules sont en effet à l’origine d’importantes émissions des gaz toxiques (NO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de particules ultra-fines, aux effets délétères sur les systèmes respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi que sur les fœtus.

L’hérésie du chauffage au bois

Mais on trouve bien d’autres aberrations. Par exemple, le ministère de la Transition écologique et l’ADEME(organisme sous contrôle du ministère de la Transition écologique et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) encouragent financièrement le chauffage au bois individuel.
Ils incitent également les collectivités à installer des chaufferies collectives au bois, qui ne sont que d’énormes cheminées fortement émettrices de particules ultrafines, de NO2 et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes.

Le chauffage au bois émet 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, quand les chauffages au gaz et à l’électricité n’en émettent pas du tout.

Ces HAP cancérigènes tels que le Benzo(a)pyrène sont tellement dangereux pour la santé que leur manipulation est désormais interdite en laboratoire ! Et pourtant, les principaux émetteurs de ces molécules tueuses sont le chauffage au bois, le diesel et l’incinération des déchets, tous les trois favorisés par nos gouvernements au détriment de la santé publique !

En effet, l’Ademe apporte également son soutien aux productions de chaleur par incinération, alors même qu’il s’agit d’une activité extrêmement polluante, génératrice de nombreuses molécules toxiques (HAP, dioxines bromées) majorant le risque de cancers et de troubles de la reproduction chez les riverains.

Chose incroyable, on lit même dans un rapport de l’Ademe que l’exposition aux fumées d’incinérateur ne comporte pas de dangers pour les riverains ! Cela est totalement faux, et va à l’encontre de nombreuses études et des recommandations de l’OMS et l’Unesco qui, depuis plus de dix ans, préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine.

Rappelons, en outre, que la France bénéficie déjà du plus important parc d’incinérateurs par habitant en Europe et du deuxième au monde !

Prendre en compte l’angle sanitaire

Nous souhaiterions donc à l’avenir que toutes les décisions destinées à diminuer les émissions de CO2 soient préalablement évaluées sous l’angle sanitaire, afin d’éviter des décisions qui menacent la santé et la vie de nos concitoyens.

Il est urgent que le plan Climat devienne un plan Air-Santé-Climat pour que l’argument sanitaire soit pris en compte dans chaque décision. Pour cela, nous exigeons une implication du ministère de la Santé, qui devrait avoir la co-gestion des problèmes environnementaux afin qu’action sanitaire et action environnementale soient enfin mises en cohérence.


  • Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg respire, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Florence Trebuchon, Collectif Air-Santé-Climat
  • Pr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Mallory Andriantavy-Guyon, Collectif Environnement Santé 74, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Gilles Dixsaut, Collectif Air-Santé-Climat
  • Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, Collectif Air-Santé-Climat
  • Antoine Martin, Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB)
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directeur de Recherche INSERM, Collectif Air Santé Climat

Incendie de Rouen et émissions quotidiennes des industries

« L’autre risque de pollution potentiellement bien plus dangereux concerne les émissions quotidiennes de ces industries »

Un collectif de médecins et de scientifiques spécialistes des impacts sanitaires de la pollution de l’air dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’insuffisance des contrôles sur les sites industriels à risque.

Tribune. Derrière les fumées noires de Lubrizol, derrière les termes « installations classées » et « sites classés Seveso », se dévoile au grand public l’opacité des industries à risque.

Lubrizol – CC – Daniel Briot (Flickr)

Le terme d’installations et de sites classés regroupe les principales usines potentiellement dangereuses allant des établissements industriels classés Seveso – du nom du village italien où une usine chimique a rejeté accidentellement un nuage de dioxine en 1976 avec des répercussions sanitaires sur des générations d’Italiens – aux incinérateurs, en passant par de nombreuses usines chimiques en tout genre.

L’accident de Lubrizol, qui est loin d’être un cas isolé, est pour nous médecins, scientifiques et ONG, l’occasion d’alerter sur l’insuffisance des contrôles qui sont imposés à ces industries. Ces accidents ne sont que la partie visible du risque sanitaire et environnemental.

L’autre risque potentiellement bien plus dangereux, bien plus opaque, concerne les émissions quotidiennes de ces industries. Les particules ultrafines recouvertes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux lourds, perturbateurs endocriniens, qui, années après années, augmenteront le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires chez les riverains, avec un risque encore plus important lorsque ces industries sont en zone urbaine.

Des dérogations

A haut risque de pollution, ces installations classées bénéficient pourtant d’un système de contrôle pour le moins complaisant et extrêmement tolérant au vu des risques sanitaires encourus.

En effet, ces industries bénéficient de dérogations méconnues du grand public. Un régime
d’auto déclaration qui autorise les industriels à déclarer eux-mêmes leurs émissions de polluants, sans qu’aucune agence indépendante, aucune agence agréée de surveillance de la qualité de l’air n’ait le droit, en routine, d’effectuer des mesures de polluants autour ou dans l’enceinte de ces industries. Il en résulte une opacité quant aux émissions réelles de ces industries.

« L’autosurveillance repose sur la confiance accordée à l’exploitant » : cette phrase figure en toutes lettres sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. De nombreux scandales, dont celui du dieselgate, nous ont amèrement rappelé que cela ne fonctionnera jamais.

Certes, les contrôles existent mais, par manque de moyens, les contrôles préfectoraux sont rares, allant d’une fois par an à tous les cinq ans. Seulement un tiers des 44 000 établissements les plus dangereux sont contrôlés tous les ans, et le nombre des visites d’inspection a diminué de 36 % en dix ans. De plus, les établissements sont prévenus à l’avance de la survenue d’un contrôle.

La fin du régime de l’auto-déclaration

En outre, les normes de pollution industrielle ne sont pas des normes sanitaires, seul le volume global de certains polluants est pris en compte, sans prendre en considération les concentrations en polluants dans l’air, et seuls quelques dizaines de polluants sont suivis sur les centaines de substances émises.

Ainsi, les particules ultrafines, qui sont les plus dangereuses en raison de leur taille et de leur surface recouverte d’hydrocarbures aromatiques, les dioxines bromées, ainsi que de nombreuses substances cancérigènes et/ou perturbateurs endocriniens, ne font l’objet d’aucune réglementation, ni surveillance, lors de leur rejet dans l’atmosphère par ces industries.

Un autre passe-droit concerne de nombreuses installations classées, notamment les incinérateurs, qui sont autorisées, à chaque arrêt et redémarrage, à rejeter dans l’air des polluants sans contrôle ni limite d’émissions.


Ces mêmes industries bénéficient également de soixante heures de dépassement annuel durant lesquelles elles peuvent rejeter des quantités de polluants sans aucune limite, et sans qu’aucune mesure des émissions ne soit effectuée et comptabilisée. Cette dérogation engendre d’importants rejets de polluants en toute légalité !

Un besoin de contrôle renforcé

Au nom de la sécurité sanitaire, nous demandons une refonte et un durcissement du système de contrôle des sites et installations classées. Notamment :

  • la fin du régime de l’auto-déclaration
  • la mise en place de contrôles des émissions par des organismes indépendants
  • des mesures déconcentration en polluants à proximité immédiate
  • la prise en compte et la surveillance de l’ensemble des polluants toxiques ,notamment les particules ultrafines.

Nous demandons des contrôles fréquents et réguliers de ces industries. Ce qui implique d’allouer davantage de moyens matériels et financiers aux organismes préfectoraux qui en ont la charge. Enfin, toute demande d’extension d’activité engendrant davantage de pollution devrait être systématiquement interdite pour les industries situées en zones urbaines.


Les signataires :

  • Docteur Mallory Andriantavy-Guyon, collectif Environnement santé 74, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, DR1 Inserm, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Matthias Beekmann, directeur de recherche CNRS ;
  • Professeur Jean-Paul Bourdineaud, CNRS, Institut européen de chimie et biologie ;
  • Docteur Thomas Bourdrel, collectif Strasbourgrespire, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Isabelle Chivilo, Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Criigen) ;
  • André Cicolella, président du Réseau environnement santé (RES) ;
  • Docteur Gilles Dixsaut, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Stéphane Giraud, directeur d’Alsace nature ;
  • Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Pierre Michel Perinaud, collectif Alerte médecins pesticides (AMLP) ;
  • Docteur Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Michel Simonot, réseau Environnement santé ;
  • Docteur Pierre Souvet, président de l’Association santé environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Joël Spiroux de Vendômois, médecine environnementale, président du Criigen ;
  • Docteur Florence Trebuchon, ASEF, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Christian Vélot, généticien moléculaire, université Paris-Sud.