Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle

Lettre ouverte du Collectif STRASBOURG RESPIRE aux candidats à l’élection présidentielle française,

Strasbourg Respire est un collectif de 120 médecins et de citoyens qui mènent depuis 2014 des actions de sensibilisation aux risques de la pollution de l’air.
Le constat que nous faisons aujourd’hui est alarmant. D’après le dernier rapport de l’OMS, la pollution de l’air est désormais considérée comme la première cause environnementale de mort prématurée dans le monde, et des travaux récents prouvent que les risques sont directement liés à l’exposition chronique aux particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 μm (PM2,5) et 0.1μm (PM 0.1). La pollution est la première cause environnementale de cancer. Elle est également un facteur de risque majeur de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC) (Expert position paper on air pollution and cardiovascular disease D. E. Newly and al European Heart Journal (2015) 36, 83-93).

Les propositions du collectif STRASBOURG RESPIRE sont les suivantes :

1/ Les Normes et Mesures

Il est indispensable de considérer de nouvelles normes européennes et nationales qui prennent en compte les particules ultrafines, exclues des systèmes de mesures actuelles, alors que leurs effets sur la santé sont majeurs et qu’elles peuvent représenter jusqu’à 90% des émissions particulaires du trafic routier !

2/ Le Trafic routier

    • Le Diesel est un tueur en série : la composition des particules diesels est hautement toxique car on trouve à leur surface de nombreux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces HAP sont cancérigènes certains (classe 1) et responsables d’effets oxydatifs toxiques sur de nombreux organes. L’essence n’émet pas ou très peu d’HAP mais émettra des hydrocarbures plus légers (mono-aromatiques) essentiellement sous forme de gaz (COV), certes toxiques mais bien moins que les HAP. Le diesel est également le principal émetteur de NOX (toxiques pour système cardiovasculaire et respiratoire mais aussi précurseurs d’ozone et de particules secondaires). Le gouvernement vient de proposer un alignement du prix du diesel sur l’essence, et la fin des avantages fiscaux pour les entreprises mais il faut aller plus loin rapidement en prenant exemple sur l’éviction du diesel à Tokyo qui a permis de faire baisser la mortalité cardiaque de 11%, la mortalité respiratoire de 20% et de diminuer de 50% le taux de particules fines issues du trafic routier (Fine-Particulate Air Pollution from Diesel Emission Control and Mortality Rates in Tokyo : A Quasi-Experimental Study.Yorifuji, Takashi; Kashima, Saori; Doi, Hiroyuki. Epidemiology : July 28, 2016). Pour cela, il faut sortir les vieux diesels du marché de l’occasion et fortement augmenter les aides financières au changement de véhicules qui sont encore insuffisantes et ne permettent pas actuellement aux ménages modestes de remplacer leur véhicule.

 

    • Trafic routier et réchauffement climatique : outre leurs effets sur la santé, les émissions diesel participent davantage au réchauffement climatique que les émissions essence. D’après les travaux d‘experts, la production de C02 d’un diesel récent tend à se rapprocher de celles de l’essence, de plus les moteurs diesels émettent plus de NOx que l’essence, or les NOx sont les principaux précurseurs de la formation d’ozone, un puissant gaz à effet de serre. Enfin les particules carbonées (carbon suie ou black carbon) émises par les diesels contribuent fortement au réchauffement climatique (Stanford.edu, lbl.gov, dailycal.org)

 

    • Il faudra par la suite aller plus loin et suivre l’exemple de la Norvège, des Pays-Bas qui n’autoriseront plus aucun véhicule diesel et essence en 2025 (en commençant par les villes). En Allemagne, le conseil fédéral allemand demande des mesures semblables en 2030.

 

  • Nous proposons également de revenir au principe de l’écotaxe pour les territoires demandeurs, comme l’Alsace.

 

3/ Les transports en commun propres

Notre objectif est de diminuer la quantité de particules fines et de gaz à effet de serre en privilégiant le rail (tram, TER..), y compris pour le transport de marchandises (Rail-Fret longue distance ou tramfret pour la ville). Nous ne devons pas continuer à favoriser le développement du bus à l’encontre du TER comme l’a fait le gouvernement. Il nous faudra également reconsidérer le prix des transports en commun en particulier pour les ménages les plus modestes qui renonceraient à l’usage de leur voiture.

4/ Une politique fiscale fortement incitative

En plus de la fin des avantages fiscaux au diesel, une politique fiscale fortement incitative doit être mise en place pour les citoyens qui renoncent à leur voiture. Il nous faut développer des flottes d’auto-partage proposant des voitures électriques dans toutes les agglomérations. Nous devons augmenter les indemnités kilométriques pour les cyclistes allant au travail au vélo (actuellement dérisoires à 0,25 € par km..). Il en va de même pour les entreprises qui doivent être incitées à développer des déplacements propres, et à considérer le télé-travail.

5/ Le chauffage au bois

Le chauffage au bois souvent considéré par les Français comme une énergie naturelle et inoffensive, est en réalité une source majeure de particules fines et d’oxydes d’azote (NOx). La vallée de l’Arve a pu mettre en place un Fonds air bois qu’il faudra étendre à l’ensemble des régions afin de permettre aux particuliers de rénover ou de changer leurs installations de chauffage.

6/ Organismes de contrôle indépendants pour la pollution industrielle et automobile

Les industries les plus polluantes telles les industries classées (par exemple les incinérateurs) déclarent eux-mêmes leurs émissions (auto-déclaration), émissions qui ne sont donc pas contrôlées de façon indépendante, ce qui peut conduire à d’importants écarts entre les émissions déclarées et les émissions réelles, comme cela a déjà été démontré pour les constructeurs automobiles (Dieselgate). Il faut donc pour les émissions automobiles et industrielles des autorités de contrôle indépendantes.

7/ Les Pesticides

La France est le premier utilisateur mondial de pesticides qui se retrouvent dans l’air, l’eau, les sols, les aliments. Ces pesticides contiennent des perturbateurs endocriniens et de nombreux agents cancérigènes. Un plan ambitieux de réduction d’au moins 50% en 5 ans de l’utilisation des pesticides serait une première étape indispensable.

8/ Transport fluvial et maritime

Le transport maritime est une pollution toxique en raison du type de fuel utilisé (fuel lourd), bien plus toxique encore que les carburants routiers. Les nouvelles directives européennes ont partiellement résolu ce problème en diminuant la teneur en soufre du fuel lourd maritime, mais la navigation au gaz, nettement moins polluante, doit être privilégiée notamment pour le transport fluvial en zone urbaine.


Ces mesures sont absolument indispensables à la santé publique de nos concitoyens.
Nous espérons que vous avez personnellement conscience de l’ampleur des risques que nous faisons prendre à nos citoyens, et particulièrement aux jeunes générations si l’on devait continuer à ne rien faire. Nous espérons que notre appel sera entendu et nos solutions mises en oeuvre.