Composition-Taille des particules / Toxicité / Diesel vs Essence

On entend parler en permanence de particules fines mais on oublie le plus important : leur composition qui est, avec la taille des particules, l’élément le plus important, en effet la composition d’une particule sera très différente en fonction de son origine. La toxicité des particules variera fortement en fonction de leur taille et de leur composition: ainsi les particules fines (PM2.5) et ultrafines (PM0.1) sont les plus dangereuses car elles pénètrent en profondeur, gagnent le système sanguin et peuvent atteindre tous les organes, de plus elles présentent un rapport surface/taille très important ce qui va favoriser leur interaction. Du point de vue composition, les particules carbonées issues de combustion (trafic, énergie fossile, bois) seront les plus dangereuses car composées de carbone organique (hydrocarbures) et métaux extrêmement réactifs.. Prenons quelques exemples :

1/ Exemple de particules carbonées : La France subit depuis une semaine un pic de pollution  lié à des particules de combustion (chauffage, trafic), cette pollution est des plus toxiques de par sa composition particulaire (hydrocarbures, métaux lourds) et sa taille (90% des émissions diesel sont des nanoparticules).  Le diesel et le chauffage au bois sont émetteurs d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) extrêmement cancérigènes (tel que le benzo(a)pyrène qui est un des composants ayant conduit à classer le tabac cancérigène en 1996!). Ci- dessous figure une schématisation d’une particule diesel, si l’on simplifie on trouve: en son centre des noyaux de carbone pur (qui ont pas ou peu d’effets toxiques), mais ce qui est le plus dangereux sera ce qui se trouve à la surface de la particule car c’est là que se feront les « contacts » avec les molécules et cellules de notre organisme. Les particules diesel contiennent à leur surface de nombreux HAP (en phase particulaire), et des métaux lourds (qui proviendront pour une partie d’entre eux de métaux issus des plaquettes de frein et qui viendront se condenser sur les particules sortant du pot). Toutes les études médicales montrent que l’essentiel de la toxicité des particules vient de ses hydrocarbures (cancérigène classe 1) et métaux (responsable de stress oxydatif).

La caractéristique des HAP émis par un diesel (et brûlage bois) est d’être semi-volatils ce qui signifie qu’ils sont capables de passer de l’état gazeux à l’état particulaire, le froid par exemple favorisera la transformation d’HAP gazeux en particule, or sous forme particulaire ces HAP sont encore plus toxiques que sous forme gazeuse. De plus les filtres à particules n’arrêtent presque pas ces HAP sous forme gazeuse, qui pourront  se transformer en particules après la sortie du pot (ces particules « néoformées » ne sont  pas comptabilisées dans les émissions particulaires des constructeurs). En plus des particules, la toxicité des émissions diesel est également liée à la partie gazeuse de ses émissions (HAP gazeux, CO, NO2..)

Essence : Jusqu’il y a peu les moteurs essence n’émettaient pas de particules mais uniquement des gaz et des composés organiques volatils contenant des hydrocarbures certes dangereux (benzène) mais plus légers (monocycliques) et moins toxiques que les hydrocarbures polycycliques d’un diesel. Ce n’est que « récemment » (surtout depuis l’injection directe) que les moteurs essence émettent des particules fines, c’est pourquoi la composition des particules essence est peu connue. Un rapport de l’Ademe précise que « Les particules essence semblent être composées de cendres (calcium, magnésium, cuivre, fer, sodium, …), de lubrifiant et d’autres composés volatils mais que contrairement au Diesel, leur contenu en carbone est faible ». Ces particules fines des nouveaux essence semblent donc de par leur composition bien moins toxiques que leurs homologues diesel. Enfin, les particules de freinage peuvent représenter jusqu’à 30% des particules émises par le trafic, elles contiennent presque exclusivement des métaux (cuivre..).

2/ Particules non carbonées : exemple : le pic de pollution aux poussières désertiques en Corse le mois dernier ou les traditionnels pics de pollution printaniers ensoleillés (particules secondaires agricoles (sulfate d’ammonium)) n’ont pas la même toxicité qu’une particule diesel ou de chauffage au bois. Les poussières minérales (désert, embruns..) sont moins toxiques de par leur composition et leur taille (appelé « coarse » particles ou PM2.5-10). Les particules agricoles sont essentiellement des particules secondaires issues de l’interaction de l’ammoniac (émis lors des épandages agricoles) avec les NOx, COV (trafic routier) et SO2 pour former des particules secondaires (sulfate et nitrate d’ammonium)). Ces particules sont essentiellement composées de sulfate et d’ammonium, dont les effets toxiques sur l’organisme sont moindres comparativement aux hydrocarbures et métaux issus du trafic ou chauffage. Ces particules différentes à l’origine vont, en se déplaçant pouvoir absorber d’autres composants à leur surface. Ainsi les particules de sulfate d’ammonium vont absorber en « voyageant » des hydrocarbures etc.., et former des particules « mixtes » : lors d’un pic de pollution printanier comme le 18 mars 2015 à Paris, l’analyse des PM10 démontrait que plus de 60% de la composition des PM10 étaient de la matière non organique (sulfate d’ammonium et nitrate d’ammonium). A l’inverse lors d’un pic de pollution hivernale ou lorsque l’on mesure les particules à proximité d’un axe routier, la composante organique carbonée (hydrocarbures du diesel et chauffage) sera prédominante, avec comme conséquence une toxicité plus importante.

La revue Nature postulait récemment (étude 2015) sur une toxicité potentiellement 5 fois plus toxique des particules de combustion carbonées (combustion d’énergie fossile, chauffage au bois, trafic, incinérateurs..) comparativement aux particules non carbonées (agriculture, poussières désertiques..). Dans cette étude, l’agriculture était le principal émetteur de particules fines en Europe en tenant compte des émissions totales, mais quand les chercheurs refont le calcul en postulant d’une toxicité différente entre particules carbonées et non carbonées, c’est bien le trafic et le chauffage qui sont la première cause de mortalité liée à la pollution de l’air en Europe!

(A noter que le trafic et chauffage sont également les principaux émetteurs de NOx et COV  indispensables à la formation des particules agricoles. Donc diminuer les NOx et les COV  revient à diminuer automatiquement les émissions particulaires agricoles !

En résumé, toutes les pollutions  n’ont pas les mêmes effets et les politiques mises en place devraient davantage tenir compte du type de pollution en cause, notamment de la composition particulaire. Par exemple, réduire le trafic lors d’un pic de pollution à des poussières désertiques est d’une utilité discutable alors que cela sera indispensable et indiscutable lors d’un pic de pollution hivernale. Enfin, il faut agir sur l’ensemble des sources de pollution mais agir drastiquement sur les émissions du trafic et du chauffage permettra à la fois de diminuer les particules carbonées qui sont les plus dangereuses pour notre santé, et permettra de diminuer dans le même temps la formation de particules secondaires agricoles qui, sans les NOx et COV émis par le trafic, ne se forment pas. L’impact en terme de santé publique est donc immense.


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