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Des professionnels de santé et associations alertent sur le développement des centrales au bois et des incinérateurs

La combustion du bois est la source la plus émettrice de polluants toxiques pour la santé. Les particules de combustion émises par la combustion du bois sont les plus nocives, semblables en termes de composition aux particules diesel (fioul de chauffage et gazole routier), notamment en raison des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) extrêmement cancérigènes qui entrent à la fois dans la composition des particules fines mais également des gaz émis par la combustion du bois. La combustion du bois peut émettre jusqu’à 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, et bien plus encore comparativement à la combustion du charbon ou du gaz. En plus de leur caractère cancérigène, ces particules carbonées sont également les plus toxiques pour les systèmes respiratoires, cardiovasculaires ainsi que pour le développement du fœtus.

La combustion du bois est également à l’origine d’autres polluants toxiques, notamment des composants organiques volatiles, cancérigènes également.
CC0 Public Domain

Dans ce contexte, encourager le développement du chauffage au bois et des centrales biomasses – qui fonctionnent en grande partie au bois – est dangereux pour la santé de nos concitoyens et incompatible avec les politiques publiques d’amélioration de la qualité de l’air notamment dans les 13 villes et territoires qui outrepassent les normes européennes.

Certes cette pollution est surtout marquée pour les anciens appareils de chauffage et tend à diminuer avec l’amélioration et le renouvellement des installations. Ainsi certaines centrales biomasses récentes sont équipées de filtres à manche permettant de diminuer les émissions mais qui laissent passer les particules ultrafines, les plus toxiques, en raison de leur taille et des nombreux hydrocarbures aromatiques polycycliques présents à leur surface.

De nombreux projets de centrale biomasse en France et à l’étranger se heurtent à l’opposition de riverains inquiets pour leur santé et d’associations en pointe dans la lutte écologique, telles que Greenpeace ou Les Amis de la Terre, qui s’accordent  pour dénoncer la multiplication des centrales au bois.

Les erreurs ne s’arrêtent malheureusement pas là puisque l’État encourage – en plus de la combustion du bois – le recours à la production de chaleur par incinération. Citons l’usine Blue Paper à Strasbourg, qui a bénéficié de subventions et d’aides des collectivités et de l’Ademe pour remplacer des chaudières au gaz par un incinérateur afin de fournir la chaleur nécessaire à la production de carton recyclé. Ce passage du gaz à l’incinération de déchets augmente significativement les émissions de particules fines et de HAP.

10 % de gaz à effet de serre supplémentaires d’ici dix ans

Dangereuse pour la santé, la combustion intensive du bois n’est pas bonne non plus pour le climat. Si la croyance populaire, savamment entretenue, veut qu’elle soit neutre en carbone, en vérité, il n’en est rien : à quantité égale, la combustion du bois est plus émettrice de CO2 que n’importe quelle autre énergie ! Certes, les arbres absorbent du CO2 – CO2 d’ailleurs habilement retranché des émissions liées à la combustion du bois pour faire croire en sa neutralité carbone. Mais si celle-ci peut être réelle lors de faible consommation des ressources en bois, elle ne fonctionne plus au rythme actuel de déforestation et de consommation du bois, qui rend impossible à nos forêts de remplir leur fonction absorbeuses de CO2, y compris en Europe.

C’est le sens d’une lettre publiée dans la revue Nature – et envoyée à l’Union européenne – par des chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) . Ces scientifiques alertent sur le danger du développement industriel des forêts européennes, qui ne permet pas de compenser l’augmentation des émissions de CO2 liées au développement des centrales et chauffages au bois et ils estiment que si rien n’est fait la filière bois énergie sera responsable, à elle seule, d’un accroissement de 10 % des gaz à effet de serre dans les dix prochaines années

Les médecins appellent à une évaluation plus fine des polluants
toxiques dans l’atmosphère

Nous, médecins et professionnels de santé, rappelons également que les polluants toxiques sont insuffisamment évalués et réglementés dans l’air ambiant, notamment les polluants émis par le secteur industriel incluant les centrales au bois et incinérateurs. Nous insistons sur l’importance d’instaurer des valeurs limites et une surveillance des polluants toxiques non encore réglementés, comme le préconise l’Anses, et nous demandons une révision des normes pour les polluants les plus nocifs comme les HAP. En effet, sur la dizaine de HAP cancérigènes, seul le benzo(a)pyrène bénéficie de valeurs limites dans l’atmosphère, mais il s’agit de normes annuelles et  non journalières. En outre, la Convention de Genève prévoyait  en 1997 de diviser par un facteur 10 ces concentrations annelles (de 1ng/m3/an à 0,1ng/m3/an) ce qui n’est toujours pas appliqué !


Premiers médecins et professionnels de santé signataires (lorsque pas de villes citées après le nom, il s’agit de Strasbourg)
  • Dr Thomas Bourdrel, radiologue
  • Dr Christian Michel, médecin généraliste
  • Dr Thierry Reeb, cardiologue
  • Dr Schmoll Laurent, ORL
  • Dr Catherine Jung, médecin généraliste
  • Dr Anny Zorn, médecin généraliste
  • Dr Boivin Sophie, endocrinologue
  • Dr Annic Jarnoux, médecin généraliste
  • Dr Jean Marie Diancourt, pneumologue
  • Dr Myriam Ernst, médecin généraliste
  • Dr Jean Louis Bagot, médecin généraliste
  • Dr Frédérique Sauer, cardiologue
  • Céline Bruderer, sage-femme
  • Dr Claire Wilhelm, médecin généraliste
  • Violaine Marcant, orthophoniste
  • Dr Denis Matter, radiologue
  • Dr Farid Bousseksou, médecin urgentiste
  • Joëlle Berger-scheydecker, kinésithérapeuthe
  • Dr David Dadoun, cardiologue
  • Dr Benjamin Brodaty, anesthésiste-réanimateur
  • Dr Christelle Brodaty, biologiste
  • Dr Sophie Rabourdin, médecin généraliste
  • Dr Juliette Chambe, médecin généraliste
  • Dr Daniel Wiedemann, médecin généraliste
  • Rita-Marianne Lange, psychologue clinicienne
  • Luisa Weiner, neuropsychologue, Maître de Conférences en Psychologie
  • Dr Claude Schaal, radiologue
  • Dr Julien Frey, médecin Unité de Soins Palliatifs
  • Dr Bruno Hauss, anesthésiste-réanimateur
  • Françoise Caillet psychologue
  • Dr Alexandre LECLERCQ, pneumologue
  • Dr Guillaume MICHEL, ophtalmologue
  • Dr Thomas Lefranc, psychiatre
  • Dr Olivier Rahimian, ophtalmologue
  • Dr Vanessa Juif, gastroentérologue
  • Dr Rivera, Chirurgien
  • Dr Emmanuel Dautheville, cardiologue
  • Dr Jean LONSDORFER, Ancien PU-PH Physiologie et Explorations Fonctionnelles
  • Respiratoires et du Sport, HUS
  • Dr Julie Blavin, ophtalmologue
  • Dr Gaspard Prevot, médecin généraliste
  • Dr Jean-Marie MONSCH, gastroentérologue
  • Dr Christophe Marcot, pneumologue
  • Dr Arnaud Pfersdorff, pédiatre
  • Dr Valérie Ronzino-Dubost, chirurgien-sénologue
  • Dr Clarisse Gilles, médecin généraliste
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de recherche INSERM / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR
  • Docteur Mallory Guyon, médecin généraliste, les Houches
  • Docteur Gilles Dixsaut, Comité Francilien contre les maladies respiratoires
  • Docteur Pierre Souvet, cardiologue, Vitrolles
  • Docteur Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche LPC2E-CNRS
  • Dr Hélène Cléry, médecine générale, Pujaut
  • Murie Auprince, diététicienne, Saint Gervais
  • Dr Richard Faitg, anesthésiste, les Hôpitaux de Léman
  • Dr Anne-Louise Durand, Dermatologue
  • Dr Lamia Kerdjana, Anesthésiste-réanimatrice ,Présidente de Jeunes Médecins IDF
  • Dr Julien Petit, médecine du sport Annemasse
  • Dr Alicia Pillot, médecin généraliste Heyrieux
  • Dr Christine Malfay-Regnier, ophtalmologue, Valence
  • Docteur Patrick Lemettre, médecin généraliste
  • Dr Philippe Kuentz, dermatologue, Grenoble
  • Dr Séverine Guyon Gillig, médecine générale Strasbourg
  • Dr Mélanie Popoff. Médecin spécialiste en Médecine Physique et de Réadaptation Bordeaux
  • Dr Sylvie Langlais, gynécologue Metz
  • Docteur Xavier FEINTRENIE, pneumologue Vandoeuvre les Nancy
  • Dr MANGILI ANAELLE Médecine Générale
  • Dr luc quintin, anesthésiste réanimateur
  • Dr Juliette FERNOUX Médecin généraliste
  • Gabriel UllmannDocteur-ingénieur chimiste, ancien expert auprès des tribunaux.
  • Esther JACKY Sage-femme libérale

 

  • Réseau Environnement Santé (RES)
  • Association Santé Environnement France (ASEF)
  • Collectif Air- Santé-Climat
  • Association pour le Respect du Site du Mont Blanc (ARSMB)
  • Collectif Environnement Santé 74
  • Coll’Air Pur Santé (CAP)

Article également disponible sur Libération.fr

 

Pollution de l’air, impact sanitaire, ZFE

Dépassement des seuils d’alerte

Début 2019, Strasbourg et l’Alsace, une fois de plus, ont dépassé pendant plusieurs jours les seuils d’alerte de pollution aux particules fines. Ces pics de pollution sont responsables de décompensations de maladies chroniques : plus de crise d’asthme, plus de risque d’infarctus, plus d’accidents vasculaires cérébraux.

Notons qu’une partie des particules fines en cause dans ces récents pics de pollution sont des poussières de sable désertique qui ne sont pas les plus dangereuses. En effet, toutes les particules ne se valent pas en termes de toxicité. Les particules de combustion issues du trafic routier, chauffage au bois, incinération, sont de loin les plus dangereuses pour la santé humaine.

 

Rappel des médecins sur la pollution de fond

Nous, médecins sur le terrain, particulièrement mobilisés dans le cadre de la pandémie Covid-19, en contact quotidiennement avec nos patients, rappelons que la pollution quotidienne, pollution dite de fond, à savoir l’air que nous respirons tous les jours est bien plus délétère au long terme que les pics de pollution, aggravant les maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires, maladies neurodégénératives, cancers…

Nous savons de longue date que les enfants également sont touchés dès leur plus jeune âge, y compris in-utero, avec des répercussions sur le poids de naissance ainsi que sur la prématurité.

Photo by joiseyshowaa

Nous tirons la sonnette d’alarme depuis plus de 20 ans. Certains d’entre nous étaient déjà à l’origine, dès les années 1990 … de la première étude française sur le rapport entre pollution de l’air et morbi-mortalité induite. Par la suite de nombreux travaux scientifiques et publications ont confirmé le lien santé-pollution de l’air.

En  2015, plus d’une centaine d’entre nous avions signé une pétition  (du Collectif Strasbourg Respire) demandant à nos élus de  prendre le problème de la pollution à bras le corps et de passer à l’action[1]. Certains d’entre nous consacrent depuis plusieurs années une part de leur énergie à améliorer les connaissances et sont devenus des experts nationaux reconnus[2]. Les arguments d’aujourd’hui sont adossés aux données actualisées et validées de la science.

Avons-nous été entendus ?

Nous voulons aujourd’hui insister plus particulièrement sur le trafic routier qui joue un rôle important dans cette pollution urbaine : plus de 60% des émissions de NO2 et près d’un tiers des particules fines, avec la problématique prioritaire du diesel. Un diesel récent émet 6 fois plus de NO2 qu’un véhicule essence, et des particules de composition plus toxique.

Pourtant, aujourd’hui, en 2021, à Strasbourg et à l’Eurométropole, existe encore un débat, sur la date de mise en œuvre d’une zone à faible émission (ZFE) qui doit permettre autant que possible, de diminuer le trafic et d’avoir des véhicules moins polluants.

Rappelons – d’une part – que la mise en place de ces ZFE est désormais obligatoire pour les villes ne respectant pas les seuils de particules fines et de NO2, et rappelons surtout que l’impact sanitaire de la pollution de l’air ne cesse d’être revu à la hausse et impose des mesures urgentes et prioritaires[3].

Il est – dans ce contexte- difficile d’entendre certain(e)s élu(e)s demander un report ou un nouveau délai dans la mise en place d’une ZFE à Strasbourg.

La situation sanitaire liée à la Covid, ne doit pas être une excuse, au contraire même puisque nous avons des solutions concrètes et efficaces pour diminuer l’impact sanitaire de la pollution, qui de plus, constitue un facteur aggravant de la pandémie Covid-19[4].

 

Comment mettre en place la ZFE

La mise en route de la ZFE devra s’accompagner d’aides financières au cas par cas, du développement de transports en commun, des pistes cyclables de bonne qualité, et de tous les moyens possibles . Ceci, afin que tous les habitant de l’agglomération, même les plus éloignés du centre de Strasbourg puissent se déplacer sans avoir besoin impérativement d’une voiture.

La ZFE ne saurait être qu’une incitation au changement de véhicules. Il est important que des aides soient proposées pour d’autres modes de transports non polluants ainsi que pour le « retrofit » – à savoir la transformation d’un véhicule diesel ou essence en moteur électrique ou au gaz sans avoir à changer de véhicules.

Enfin, ce serait dommageable de penser que la seule mise en place d’une ZFE réglera d’un coup de baguette magique les problèmes de pollution à Strasbourg. D’autres secteurs doivent également être prioritaires tels que le secteur industriel dont la pollution reste sous-estimée et peu contrôlée[5].

Enfin, il faut cesser d’encourager le développement du chauffage au bois, individuel ou collectif, en ville, et freiner également l’incinération, au risque d’annuler tous les bénéfices attendus de la mise en place d’une ZFE.

 

Conclusion

Nous sommes également attentifs aux récents travaux rendus de la Convention Citoyenne pour le Climat, tout comme aux avis du Haut Conseil pour le Climat, en particulier concernant l’impact des gaz à effets de serre.

Nous, médecins et citoyens, en appelons à la responsabilité et au courage de nos élus et demandons la mise en application prioritaire, des mesures nécessaires à la réduction de la pollution de l’air à Strasbourg. Pour la santé publique et la santé de toutes et tous.


  • Dr Christian Michel, médecin généraliste
  • Dr Thomas Bourdrel, médecin radiologue
  • Dr Thierry Reeb médecin cardiologue
  • Dr Sophie Boivin, endocrinologue
  • Dr Anny Zorn
  • Dr Yves Duverneix
  • Dr Sauer Frédérique, cardiologue
  • Dr Foesser fabien, médecin généraliste
  • Dr Guillaume Kuntz
  • Dr Pascal Lecomte chirurgien hospitalier
  • Dr Farid Bousseksou, médecin généraliste
  • Dr Alexandre Butscher
  • Dr Lucile Ratheau médecin endocrinologue
  • Dr Barth Georges médecin généraliste
  • Dr Armelle Schuller pneumologue
  • Dr Myrian Ernst, médecin géneraliste
  • Dr Yannick SCHMITT, médecin géneraliste
  • Dr Denis Matter, médecin radiologue
  • Dr Jean Lionel Bagot, médecin géneraliste
  • Dr Sophie Rabourdin, médecin géneraliste
  • Dr Juliette Chambe, médecin generaliste
  • Dr Emmanuel Colléaux, médecin généraliste et de médecine préventive
  • Dr Gaspard Prévot, médecin géneraliste
  • Dr Karine Schutz Anheim, pneumologue
  • Dr Georges yoram federmann, Psychiatre
  • Dr Thibault Caspar, cardiologue

 

[1] www.lemonde.fr/pollution/article/2015/04/15/les-medecins-strasbourgeois-alertent-sur-les-effets-de-la-pollution-de-l-air_4616538_1652666.html

[2] Bourdrel T., Réalités Cardiologiques – n° 358_Décembre 2020 – Cahier 1

[3] Une étude inédite parue mardi 9 février dans la revue scientifique Environmental Research. Des chercheurs en santé environnementale de l’université Harvard (Etats-Unis), en collaboration avec leurs collègues britanniques des universités de Birmingham, Leicester et Londres, ont cherché à mesurer la mortalité due aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) issues de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et diesel principalement). Leurs résultats sont alarmants

[4] err.ersjournals.com/content/30/159/200242

[5] www.francebleu.fr/infos/environnement/pollution-de-l-air-une-tribune-pour-reclamer-plus-de-controles-des-emissions-industrielles-a-1603204892

Incendie de Rouen et émissions quotidiennes des industries

« L’autre risque de pollution potentiellement bien plus dangereux concerne les émissions quotidiennes de ces industries »

Un collectif de médecins et de scientifiques spécialistes des impacts sanitaires de la pollution de l’air dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’insuffisance des contrôles sur les sites industriels à risque.

Tribune. Derrière les fumées noires de Lubrizol, derrière les termes « installations classées » et « sites classés Seveso », se dévoile au grand public l’opacité des industries à risque.

Lubrizol – CC – Daniel Briot (Flickr)

Le terme d’installations et de sites classés regroupe les principales usines potentiellement dangereuses allant des établissements industriels classés Seveso – du nom du village italien où une usine chimique a rejeté accidentellement un nuage de dioxine en 1976 avec des répercussions sanitaires sur des générations d’Italiens – aux incinérateurs, en passant par de nombreuses usines chimiques en tout genre.

L’accident de Lubrizol, qui est loin d’être un cas isolé, est pour nous médecins, scientifiques et ONG, l’occasion d’alerter sur l’insuffisance des contrôles qui sont imposés à ces industries. Ces accidents ne sont que la partie visible du risque sanitaire et environnemental.

L’autre risque potentiellement bien plus dangereux, bien plus opaque, concerne les émissions quotidiennes de ces industries. Les particules ultrafines recouvertes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux lourds, perturbateurs endocriniens, qui, années après années, augmenteront le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires chez les riverains, avec un risque encore plus important lorsque ces industries sont en zone urbaine.

Des dérogations

A haut risque de pollution, ces installations classées bénéficient pourtant d’un système de contrôle pour le moins complaisant et extrêmement tolérant au vu des risques sanitaires encourus.

En effet, ces industries bénéficient de dérogations méconnues du grand public. Un régime
d’auto déclaration qui autorise les industriels à déclarer eux-mêmes leurs émissions de polluants, sans qu’aucune agence indépendante, aucune agence agréée de surveillance de la qualité de l’air n’ait le droit, en routine, d’effectuer des mesures de polluants autour ou dans l’enceinte de ces industries. Il en résulte une opacité quant aux émissions réelles de ces industries.

« L’autosurveillance repose sur la confiance accordée à l’exploitant » : cette phrase figure en toutes lettres sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. De nombreux scandales, dont celui du dieselgate, nous ont amèrement rappelé que cela ne fonctionnera jamais.

Certes, les contrôles existent mais, par manque de moyens, les contrôles préfectoraux sont rares, allant d’une fois par an à tous les cinq ans. Seulement un tiers des 44 000 établissements les plus dangereux sont contrôlés tous les ans, et le nombre des visites d’inspection a diminué de 36 % en dix ans. De plus, les établissements sont prévenus à l’avance de la survenue d’un contrôle.

La fin du régime de l’auto-déclaration

En outre, les normes de pollution industrielle ne sont pas des normes sanitaires, seul le volume global de certains polluants est pris en compte, sans prendre en considération les concentrations en polluants dans l’air, et seuls quelques dizaines de polluants sont suivis sur les centaines de substances émises.

Ainsi, les particules ultrafines, qui sont les plus dangereuses en raison de leur taille et de leur surface recouverte d’hydrocarbures aromatiques, les dioxines bromées, ainsi que de nombreuses substances cancérigènes et/ou perturbateurs endocriniens, ne font l’objet d’aucune réglementation, ni surveillance, lors de leur rejet dans l’atmosphère par ces industries.

Un autre passe-droit concerne de nombreuses installations classées, notamment les incinérateurs, qui sont autorisées, à chaque arrêt et redémarrage, à rejeter dans l’air des polluants sans contrôle ni limite d’émissions.


Ces mêmes industries bénéficient également de soixante heures de dépassement annuel durant lesquelles elles peuvent rejeter des quantités de polluants sans aucune limite, et sans qu’aucune mesure des émissions ne soit effectuée et comptabilisée. Cette dérogation engendre d’importants rejets de polluants en toute légalité !

Un besoin de contrôle renforcé

Au nom de la sécurité sanitaire, nous demandons une refonte et un durcissement du système de contrôle des sites et installations classées. Notamment :

  • la fin du régime de l’auto-déclaration
  • la mise en place de contrôles des émissions par des organismes indépendants
  • des mesures déconcentration en polluants à proximité immédiate
  • la prise en compte et la surveillance de l’ensemble des polluants toxiques ,notamment les particules ultrafines.

Nous demandons des contrôles fréquents et réguliers de ces industries. Ce qui implique d’allouer davantage de moyens matériels et financiers aux organismes préfectoraux qui en ont la charge. Enfin, toute demande d’extension d’activité engendrant davantage de pollution devrait être systématiquement interdite pour les industries situées en zones urbaines.


Les signataires :

  • Docteur Mallory Andriantavy-Guyon, collectif Environnement santé 74, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, DR1 Inserm, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Matthias Beekmann, directeur de recherche CNRS ;
  • Professeur Jean-Paul Bourdineaud, CNRS, Institut européen de chimie et biologie ;
  • Docteur Thomas Bourdrel, collectif Strasbourgrespire, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Isabelle Chivilo, Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Criigen) ;
  • André Cicolella, président du Réseau environnement santé (RES) ;
  • Docteur Gilles Dixsaut, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Stéphane Giraud, directeur d’Alsace nature ;
  • Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Pierre Michel Perinaud, collectif Alerte médecins pesticides (AMLP) ;
  • Docteur Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Michel Simonot, réseau Environnement santé ;
  • Docteur Pierre Souvet, président de l’Association santé environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Joël Spiroux de Vendômois, médecine environnementale, président du Criigen ;
  • Docteur Florence Trebuchon, ASEF, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Christian Vélot, généticien moléculaire, université Paris-Sud.