La pollution de l’air, en plus de fragiliser notre système immunitaire et de nous rendre plus sensibles aux infections notamment virale, permet également une meilleure diffusion et donc une meilleure transmission des agents pathogènes tels que le coronavirus. Cela est connu depuis longtemps pour le SARS(1) et les virus de la bronchiolite. Cela a également été récemment démontré pour le coronavirus en Italie, avec davantage de transmission et de propagation du virus, en fonction des taux de particules fines.
Les particules fines servent donc de vecteurs, de transporteurs au virus qui se déplace d’autant plus facilement lorsque l’air est chargé de particules fines. Fort heureusement les mesures de confinement font coup double, à la fois en limitant le risque de transmission entre les individus, mais également en diminuant la pollution, notamment aux particules fines du trafic routier et les effets sanitaires associés.
Les épandages agricoles
Néanmoins, comme on le voit actuellement à Paris, le printemps est la période d’épandage agricole, grand pourvoyeur de particules fines. En effet, lors des épandages, le gaz ammoniac (NH3) va, en passant dans l’atmosphère, réagir avec les oxyde d’azote (NOx) pour former des particules de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium.
Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables de pics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai. Ces particules printanières sont, de par leur composition, moins toxiques que des particules de combustion issues par exemple du trafic routier néanmoins elles vont également servir de vecteur de transmission au virus.
Ces particules peuvent voyager sur plusieurs kilomètres et donc transporter également le virus sur de longues distances!
Nous appelons donc les préfets à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement – les émissions liées aux épandages agricoles (restriction, technique d’enfouissement de l’engrais) afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus.
Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de recherche INSERM / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR ;
» Ce qu’il y a de plus dangereux pour la santé dans la pollution de l’air, ce sont les particules fines « , assure le radiologue strasbourgeois Thomas Bourdrel, fondateur du collectif Strasbourg Respire il y a six ans. Celles qu’on appelle les PM (particulate matter) tuent 48 000 personnes par an en France, devant le dioxyde d’azote et l’ozone.
En plus d’avoir des conséquences sur le système respiratoire, les particules provoquent des cancers, des infarctus, des AVC, perturbent la grossesse. « On a vu des associations avec les troubles autistiques, les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson ou la sclérose en plaques. »
Absence d’outils de mesure
« On nous dit que la pollution recule, mais on n’a pas le bon thermomètre, dénonce le médecin. Parce que c’est uniquement sur la base des PM10 qu’on déclenche des pics de pollution. »
Ces particules fines (moins de 10 μm de diamètre, six fois plus petites qu’un cheveu) restent dans les voies aériennes supérieures. Mais les PM2,5, plus petites et plus dangereuses, atteignent les alvéoles pulmonaires.
Quant aux PM1 et PM0,1, les ultrafines ou nanoparticules, ce sont les pires puisqu’elles migrent vers le sang, les organes et le cerveau. Et elles ne sont pas dosées officiellement. «Actuellement, il est très probable que [celles-ci] aient fortement augmenté, notamment avec l’utilisation des filtres à particules sur les moteurs. On a créé un nouveau type de pollution qu’on ne suit pas ! » La nocivité des PM dépend non seulement de leur taille mais aussi de leur composition.
« L’hiver, 80 % sont issues de la combustion : ce sont les plus toxiques. Elles sortent d’un moteur, d’un chauffage au bois ou d’un incinérateur. »
Dans leur noyau, on trouve du carbone pur — c’est ce noir sur la neige ou sur les façades. Il a un impact sur le réchauffement climatique, mais pas sur la santé. En revanche, ces particules portent sur leur surface des métaux lourds et des HAP, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, cancérogènes.
C’est ce qui les rend beaucoup plus délétères que d’autres familles de particules, comme le sable du Sahara, les embruns marins ou les pollens.
Dans une chronique publiée par Le Point du 12 novembre intitulée « Contre le diesel, un acharnement infondé », Jean de Kervasdoué affirme que la pollution de l’air et le diesel ne sont cancérigènes qu’à forte dose et que chez les fumeurs. Michel Aubier déclarait déjà cela dans l’émission Allô docteurs en mars 2016. Or c’est faux et c’est même l’inverse : un fumeur a déjà un risque de cancer du poumon tellement augmenté par la cigarette que la pollution de l’air – notamment diesel – ne modifie pas significativement ce risque.
À l’inverse, chez les non-fumeurs, l’exposition à la pollution de l’air, notamment au diesel, majore fortement le risque de cancer du poumon.
Depuis, de nombreuses autres études ont confirmé cela, y compris dans la population générale, et ont bien démontré que même à faible concentration, l’exposition sur le long terme à la pollution de l’air majore le risque de cancer du poumon et que ce sont les non-fumeurs et les anciens fumeurs qui voient leur risque de cancer du poumon le plus augmenté par la pollution de l’air, notamment diesel (2).
Ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer
Qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ?
Mais au-delà de l’épidémiologie, revenons à la toxicologie : qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ? Prenons les principaux éléments : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tel que le benzo(a)pyrène, tellement cancérigène que sa manipulation est désormais interdite en laboratoire, cancérigène pour de très nombreux organes, notamment pour le poumon.
C’est en grande partie sur base de la présence de benzo(a)pyrène que la cigarette a été classée cancérigène certain en 1996. En ville, le diesel représente une des principales sources d’émission de ce benzo(a)pyrène (3).
En termes de substances cancérigènes, ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer.
L’exposition à la pollution de l’air et au diesel est donc cancérigène chez les gens professionnellement exposés (garagistes, chauffeurs de bus et de poids-lourds), mais également dans la population générale (4) .
Rappelons que c’est sur la base de ces HAP et des métaux lourds présents à la surface des particules émises par le diesel (mais aussi par la combustion du charbon, du bois et les usines de type incinérateurs) que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a classé le diesel puis la pollution de l’air comme cancérigènes certains, respectivement en 2012 et 2013.
Toujours les mêmes substances dangereuses
Parmi tous les nombreux polluants de l’air, les substances cancérigènes sont toujours les mêmes : HAP, métaux lourds, formaldéhyde et butadiène. Tous proviennent majoritairement en ville du trafic routier et notamment du diesel.
Dans l’air intérieur, ces mêmes substances proviennent majoritairement du tabac. Diesel et tabac ont donc de nombreux composés toxiques en commun, il est donc logique de retrouver des effets similaires sur la santé (cancer, maladies cardiovasculaires et respiratoires).
Les filtres à particules sont loin d’avoir réglé la toxicité du diesel
Certes, les pots catalytiques avec filtre à particules ont permis de diminuer certaines émissions toxiques des véhicules diesel, néanmoins les HAP cancérigènes tels le benzo(a)pyrène sont présents à la surface des particules ultrafines – qui ne sont que peu arrêtées par les filtres – et sont émis également sous forme de gaz.
Gaz pour lesquels les filtres à particules et catalyses sont peu efficaces, notamment en ville.
Les diesel, y compris récents, restent en ville la source principale de NO2, gaz toxique.
D’autre part, Jean de Kervasdoué omet de parler des autres émissions du diesel. En effet, le diesel est la principale source de NO2 (dioxyde d’azote), autre gaz extrêmement toxique pour le poumon et le système cardiovasculaire. En ville, il provient à 60 % du parc routier. Un diesel récent émet six fois plus de NO2 qu’un véhicule essence(5).
Les diesels récents potentiellement plus dangereux
Une étude récente de l’American Journal of Critical Care and Respiratory Medecine démontre que pour les asthmatiques, les diesels récents avec filtre à particule sont potentiellement plus dangereux que les diesels anciens avec davantage d’effets toxiques sur l’hyperréactivité bronchique allergique lorsque les patients sont exposés à du diesel filtré.
Les auteurs de cette étude expliquent cet effet toxique par le NO2, qui est émis en plus grande quantité sur les diesels modernes équipés de filtres à particules (6)…
Les médecins et scientifiques du collectif Air-Santé-Climat :
Focalisé sur la réduction des émissions de CO2, la lutte contre la pollution conduit à une augmentation des autres polluants dans l’air. Un collectif de médecins, chercheurs et associations appelle à mettre fin à cette grave contradiction.
Jeudi 24 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ».
Cette sanction met à nouveau en lumière les contradictions de l’Etat et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui, dans leur légitime volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (en particulier de CO2), continuent malheureusement de prendre des mesures conduisant à une augmentation des polluants dans l’air.
Parmi eux, le dioxyde d’azote (NO2), mais aussi les particules fines, ultrafines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les perturbateurs endocriniens.
Une politique cohérente de lutte contre les émissions doit pourtant être présente sur les deux fronts : diminution du CO2 ET de tous ces polluants toxiques. Rappelons que la pollution atmosphérique, qui en Europe tue autant que le tabac, est responsable de 68 000 décès par an en France.
Or, la focalisation sur les seules émissions de CO2 a conduit les gouvernements successifs et l’Ademe à dégrader la qualité de l’air. La promotion des véhicules diesel pendant plus de 20 ans, via un système de bonus-malus, est en particulier une ineptie sanitaire.
Ces véhicules sont en effet à l’origine d’importantes émissions des gaz toxiques (NO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de particules ultra-fines, aux effets délétères sur les systèmes respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi que sur les fœtus.
L’hérésie du chauffage au bois
Mais on trouve bien d’autres aberrations. Par exemple, le ministère de la Transition écologique et l’ADEME(organisme sous contrôle du ministère de la Transition écologique et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) encouragent financièrement le chauffage au bois individuel.
Ils incitent également les collectivités à installer des chaufferies collectives au bois, qui ne sont que d’énormes cheminées fortement émettrices de particules ultrafines, de NO2 et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes.
Le chauffage au bois émet 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, quand les chauffages au gaz et à l’électricité n’en émettent pas du tout.
Ces HAP cancérigènes tels que le Benzo(a)pyrène sont tellement dangereux pour la santé que leur manipulation est désormais interdite en laboratoire ! Et pourtant, les principaux émetteurs de ces molécules tueuses sont le chauffage au bois, le diesel et l’incinération des déchets, tous les trois favorisés par nos gouvernements au détriment de la santé publique !
En effet, l’Ademe apporte également son soutien aux productions de chaleur par incinération, alors même qu’il s’agit d’une activité extrêmement polluante, génératrice de nombreuses molécules toxiques (HAP, dioxines bromées) majorant le risque de cancers et de troubles de la reproduction chez les riverains.
Chose incroyable, on lit même dans un rapport de l’Ademe que l’exposition aux fumées d’incinérateur ne comporte pas de dangers pour les riverains ! Cela est totalement faux, et va à l’encontre de nombreuses études et des recommandations de l’OMS et l’Unesco qui, depuis plus de dix ans, préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine.
Rappelons, en outre, que la France bénéficie déjà du plus important parc d’incinérateurs par habitant en Europe et du deuxième au monde !
Prendre en compte l’angle sanitaire
Nous souhaiterions donc à l’avenir que toutes les décisions destinées à diminuer les émissions de CO2 soient préalablement évaluées sous l’angle sanitaire, afin d’éviter des décisions qui menacent la santé et la vie de nos concitoyens.
Il est urgent que le plan Climat devienne un plan Air-Santé-Climat pour que l’argument sanitaire soit pris en compte dans chaque décision. Pour cela, nous exigeons une implication du ministère de la Santé, qui devrait avoir la co-gestion des problèmes environnementaux afin qu’action sanitaire et action environnementale soient enfin mises en cohérence.
Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg respire, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat
Dr Florence Trebuchon, Collectif Air-Santé-Climat
Pr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Mallory Andriantavy-Guyon, Collectif Environnement Santé 74, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Gilles Dixsaut, Collectif Air-Santé-Climat
Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, Collectif Air-Santé-Climat
Antoine Martin, Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB)
Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directeur de Recherche INSERM, Collectif Air Santé Climat
« L’autre risque de pollution potentiellement bien plus dangereux concerne les émissions quotidiennes de ces industries »
Un collectif de médecins et de scientifiques spécialistes des impacts sanitaires de la pollution de l’air dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’insuffisance des contrôles sur les sites industriels à risque.
Tribune. Derrière les fumées noires de Lubrizol, derrière les termes « installations classées » et « sites classés Seveso », se dévoile au grand public l’opacité des industries à risque.
Lubrizol – CC – Daniel Briot (Flickr)
Le terme d’installations et de sites classés regroupe les principales usines potentiellement dangereuses allant des établissements industriels classés Seveso – du nom du village italien où une usine chimique a rejeté accidentellement un nuage de dioxine en 1976 avec des répercussions sanitaires sur des générations d’Italiens – aux incinérateurs, en passant par de nombreuses usines chimiques en tout genre.
L’accident de Lubrizol, qui est loin d’être un cas isolé, est pour nous médecins, scientifiques et ONG, l’occasion d’alerter sur l’insuffisance des contrôles qui sont imposés à ces industries. Ces accidents ne sont que la partie visible du risque sanitaire et environnemental.
L’autre risque potentiellement bien plus dangereux, bien plus opaque, concerne les émissions quotidiennes de ces industries. Les particules ultrafines recouvertes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux lourds, perturbateurs endocriniens, qui, années après années, augmenteront le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires chez les riverains, avec un risque encore plus important lorsque ces industries sont en zone urbaine.
Des dérogations
A haut risque de pollution, ces installations classées bénéficient pourtant d’un système de contrôle pour le moins complaisant et extrêmement tolérant au vu des risques sanitaires encourus.
En effet, ces industries bénéficient de dérogations méconnues du grand public. Un régime
d’auto déclaration qui autorise les industriels à déclarer eux-mêmes leurs émissions de polluants, sans qu’aucune agence indépendante, aucune agence agréée de surveillance de la qualité de l’air n’ait le droit, en routine, d’effectuer des mesures de polluants autour ou dans l’enceinte de ces industries. Il en résulte une opacité quant aux émissions réelles de ces industries.
« L’autosurveillance repose sur la confiance accordée à l’exploitant » : cette phrase figure en toutes lettres sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. De nombreux scandales, dont celui du dieselgate, nous ont amèrement rappelé que cela ne fonctionnera jamais.
Certes, les contrôles existent mais, par manque de moyens, les contrôles préfectoraux sont rares, allant d’une fois par an à tous les cinq ans. Seulement un tiers des 44 000 établissements les plus dangereux sont contrôlés tous les ans, et le nombre des visites d’inspection a diminué de 36 % en dix ans. De plus, les établissements sont prévenus à l’avance de la survenue d’un contrôle.
La fin du régime de l’auto-déclaration
En outre, les normes de pollution industrielle ne sont pas des normes sanitaires, seul le volume global de certains polluants est pris en compte, sans prendre en considération les concentrations en polluants dans l’air, et seuls quelques dizaines de polluants sont suivis sur les centaines de substances émises.
Ainsi, les particules ultrafines, qui sont les plus dangereuses en raison de leur taille et de leur surface recouverte d’hydrocarbures aromatiques, les dioxines bromées, ainsi que de nombreuses substances cancérigènes et/ou perturbateurs endocriniens, ne font l’objet d’aucune réglementation, ni surveillance, lors de leur rejet dans l’atmosphère par ces industries.
Un autre passe-droit concerne de nombreuses installations classées, notamment les incinérateurs, qui sont autorisées, à chaque arrêt et redémarrage, à rejeter dans l’air des polluants sans contrôle ni limite d’émissions.
Ces mêmes industries bénéficient également de soixante heures de dépassement annuel durant lesquelles elles peuvent rejeter des quantités de polluants sans aucune limite, et sans qu’aucune mesure des émissions ne soit effectuée et comptabilisée. Cette dérogation engendre d’importants rejets de polluants en toute légalité !
Un besoin de contrôle renforcé
Au nom de la sécurité sanitaire, nous demandons une refonte et un durcissement du système de contrôle des sites et installations classées. Notamment :
la fin du régime de l’auto-déclaration
la mise en place de contrôles des émissions par des organismes indépendants
des mesures déconcentration en polluants à proximité immédiate
la prise en compte et la surveillance de l’ensemble des polluants toxiques ,notamment les particules ultrafines.
Nous demandons des contrôles fréquents et réguliers de ces industries. Ce qui implique d’allouer davantage de moyens matériels et financiers aux organismes préfectoraux qui en ont la charge. Enfin, toute demande d’extension d’activité engendrant davantage de pollution devrait être systématiquement interdite pour les industries situées en zones urbaines.
Les particules fines (PM2,5), pourtant considérées comme les
plus dangereuses, ne sont toujours pas prises en compte pour les alertes
pollution.
Circulation à Strasbourg
En 2018, les Lillois ont été exposés plus
de soixante jours à des niveaux de particules fines (PM2,5 : diamètre
inférieur à 2,5 micromètres) supérieurs au seuil – de 25 microgrammes par
mètre cube (µg/m3) sur vingt-quatre heures – que l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser plus de trois fois par
an. Pourtant, jusqu’ici, la capitale des Flandres ne se distinguait pas au
palmarès des métropoles les plus polluées de France.
En octobre 2017, quinze
agglomérations confrontées à des problèmes récurrents de qualité de l’air se
sont engagées à déployer, d’ici à 2020, des zones à faible émission, sur le
modèle de Paris, afin d’exclure progressivement les véhicules les plus
polluants de leurs rues. On y trouve les métropoles du Grand Paris, du Grand
Lyon, d’Aix-Marseille, de Strasbourg, Nice, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Clermont,
Saint-Etienne, Reims, Toulon, Rouen et même Fort-de-France. Mais pas Lille.
La métropole lilloise ne fait pas
non plus partie de la douzaine de régions dont les dépassements répétés des
normes de pollution valent à la France d’être renvoyée devant la Cour de
justice de l’Union européenne. La cité du Nord est passée sous les radars.
Comment expliquer une telle anomalie ? Le
thermomètre utilisé pour mesurer la pollution n’est plus adapté. Bien que les
PM2,5 soient aujourd’hui reconnues dans la littérature scientifique comme les
plus dangereuses car elles franchissent la barrière pulmonaire et entrent dans
la circulation sanguine, ce sont les PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm)
qui restent la référence réglementaire en matière de pollution particulaire.
Ainsi, la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie,
vient de connaître un nouvel épisode de pollution intense avec plusieurs jours
de dépassements des normes de PM10, fixées à 50 µg/m3 sur
vingt-quatre heures, soit le double du seuil de l’OMS pour les PM2,5. Le
département du Nord a connu quinze épisodes de pollution aux PM10
(correspondant à vingt-six jours) en 2018 selon les données d’ATMO
Hauts-de-France, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air dans la
région. Mais, officiellement, aucun pic de pollution aux PM2,5.
Considérant que leurs effets
sanitaires se font surtout ressentir à moyen et long terme, les particules
fines font l’objet d’une réglementation annuelle et non journalière. A la
différence des PM10 mais aussi du dioxyde d’azote (NO2) et de
l’ozone (03), des concentrations excessives journalières en PM2,5
ne peuvent donc pas déclencher d’alerte pollution de la part des pouvoirs
publics.
Révision de l’indice ATMO et discussions européennes
L’indice ATMO, qui caractérise au
quotidien la qualité de l’air dans les agglomérations françaises de plus de
100 000 habitants, exclut également les PM2,5. Il repose sur la mesure de
quatre polluants : les PM10, le NO2, l’O3 et le
dioxyde de soufre (SO2). Les associations régionales de
surveillance de la qualité de l’air plaident pour une révision de l’indice ATMO
afin d’y intégrer les particules fines. Une réunion est prévue mi-janvier avec
le ministère de la transition écologique et solidaire pour faire avancer ce
dossier.
D’autres discussions ont lieu à
l’échelon européen, dans le cadre du processus de révision de la directive de
2008 sur la qualité de l’air, dans le but d’aligner enfin les normes
européennes avec les recommandations de l’OMS. Aujourd’hui, la valeur limite
européenne pour les PM2,5 est fixée à 25 µg/m3 en moyenne
annuelle alors que l’OMS retient un seuil de 10 µg/m3.
«
Les PM2,5 sont déjà un combat d’arrière-garde, le vrai danger, ce sont les
PM0,1, les particules ultrafines. » Thomas Bourdrel
Pour Thomas Bourdrel, du collectif
Air-Santé-Climat, « les PM2,5 sont déjà un combat d’arrière-garde, le vrai
danger, ce sont les particules ultrafines ». Les PM0,1
(inférieures à 0,1 µm) pénètrent dans le sang et peuvent atteindre le
cerveau ou traverser le placenta des femmes enceintes.
« Aujourd’hui, les particules issues du trafic sont
à 90 % des ultrafines, alerte le
radiologue, auteur de plusieurs articles de références sur ce thème. Or, il
n’y a aucun lien entre une mesure en concentration massique de PM2,5 ou de PM10
et le nombre de particules ultrafines. »
Les modèles diesel les plus
récents émettraient ainsi des « milliards de particules ultrafines
au kilomètre », selon le professeur Gilles Dixsaut, de la
Fondation du souffle. Le médecin a cette métaphore : « On
utilise des outils de mesure qui pèsent des microgrammes de crottin de cheval
alors qu’il y a longtemps qu’on a abandonné les fiacres. »
Nous avons assisté dernièrement dans le journal Le Figaro à la divulgation d’articles mensongers sur les véhicules diesel.
Ainsi, après avoir publié une tribune truffée d’inexactitudes sur le diesel le 12 Novembre dernier, le Figaro récidive le 7 décembre en publiant une tribune titrée « Un véhicule essence émet autant de particules fines que dix vilains diesel ! » Ces tribunes sont écrites aux mépris des données scientifiques sur l’impact toxique des émissions des véhicules diesels sur la santé.
Dire que les véhicules essence sont plus dangereux que les diesels parce qu’ils émettraient dix fois plus de particules est faux pour plusieurs raisons :
Les particules diesels sont plus toxiques que celles de l’essence.
Ce qui fait la toxicité d’une particule dépend de sa composition. Ainsi, les particules diesel sont classées cancérogènes certains par l’OMS depuis 2012 en raison des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) présents à la surfaces des particules diesel. La composition des particules essence est beaucoup plus variable et dépendra du type d’essence. Un mélange d’éthanol 5% (SP 95) et 10% (E10) permet de réduire drastiquement la composition en HAP des particules essences et donc de diminuer leur toxicité.
Les filtres à particules (FAP) augmentent le nombre de particules ultrafines/nanoparticules
Contrairement à ce qui est annoncé, les FAP ne suppriment pas entièrement l’émission de particules, ils diminuent l’émission des particules plus grosses, mais augmentent celle de nanoparticules qui sont les plus toxiques car elles peuvent atteindre tous nos organes et peuvent même atteindre le fœtus. Ces nanoparticules diesel ont également un impact majeur sur la survenue d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral.
De plus, dans le cas des voitures diesel roulant en ville ou effectuant des petits trajets, les FAP s’encrassent et polluent plus.
Les particules de freinage sont communes à tous les type de véhicules (diesel, essence, électrique…) et sont également majoritaires dans l’air du métro, mais elles n’ont pas du tout la même composition ni la même toxicité que les particules de combustion sortant du pot d’échappement. De plus, elles sont de taille plus grande.
Un moteur diesel émet 5 à 10 fois plus de dioxyde d’azote(NO2) qu’un moteur essence et bien plus encore si l’on en prend en compte les tricheries démasquées par le dieselgate et les émissions en conduite réelle.
Encore une fois en ville, les systèmes de dépollution du NO2 tels que la SCR (réduction catalytique sélective en français) fonctionnent mal et émettront de grandes quantités de NO2. Ces systèmes de dépollution ont en effet besoin d’atteindre une température de 190 ° pour être efficients, ce qui est très peule cas en ville, et ce qui devrait donc conduire les autorités à interdire la circulation en ville des diesels Euro 5 et 6.
Or, en termes de santé, les gaz polluants les plus dangereux sont le dioxyde d’azote (NO2)et les composés organiques volatils et semi volatils.
– Le NO2 est responsable de 75000 décès/an en Europe (5000 à 7000 décès/an en France) et il s’agit là d’une estimation basse.Le NO2 a une toxicité reconnue directe sur le système cardiovasculaire et respiratoire.
– Concernant les composés organiques volatiles, même si l’essence est émetteur de benzène (cancérigène), le diesel émet des HAP plus lourds, et donc plus toxiques. De plus l’ammoniac des systèmes SCR Add Blue, que l’on trouve sur de nombreux diesels récents, formera- en interagissant avec ces hydrocarbures – des nitro-HAP, extrêmement toxiques.
Il est faux de dire que les diesels émettent moins de gaz à effet de serre que l’essence
– Les moteurs diesels dans leur cycle de vie émettent plus de CO2 que tout autre véhicule (cf rapport de l’ONG Transport et environnement de septembre 2017 )
– Les diesels équipés de SCR émettent du protoxyde d’azote (N₂O) 298 fois plus puissant en termes d’effet de serre que le CO2
– Les particules diesel sont fortement carbonées (black carbon) et, en se déposant sur les glaces, elles accentuent fortement le réchauffement climatique
Nous resterons vigilants vis à vis de toute tentative de désinformation. Notre objectif est d’informer et de former pour améliorer la qualité de l’air et lutter contre le réchauffement climatique pour protéger la santé humaine, animale et végétale.
Collectif AIR-SANTE-CLIMAT
Une mission : former et informer Un combat : contre les lobbys
Le collectif « Air-Santé-Climat » :
Guillaume Muller – Val-de-Marne en Transition
Thomas Bourdrel – Strasbourg Respire
Olivier
Blond – Respire
Gilles Dixsaut – Fondation du souffle contre les maladies respiratoires