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Oui, la pollution de l’air et le diesel sont cancérigènes !

TRIBUNE. Le collectif Air-Santé-Climat dénonce les contre-vérités publiées à propos de la pollution de l’air et du diesel, dangereux pour la santé.

(Article également publié dans LePoint du 02 décembre 2019)

Dans une chronique publiée par Le Point du 12 novembre intitulée « Contre le diesel, un acharnement infondé », Jean de Kervasdoué affirme que la pollution de l’air et le diesel ne sont cancérigènes qu’à forte dose et que chez les fumeurs. Michel Aubier déclarait déjà cela dans l’émission Allô docteurs en mars 2016. Or c’est faux et c’est même l’inverse : un fumeur a déjà un risque de cancer du poumon tellement augmenté par la cigarette que la pollution de l’air – notamment diesel – ne modifie pas significativement ce risque.

À l’inverse, chez les non-fumeurs, l’exposition à la pollution de l’air, notamment au diesel, majore fortement le risque de cancer du poumon.

Lire aussi Jean de Kervasdoué – Contre le diesel, un acharnement infondé

Des études initiales chez les mineurs exposés au diesel, que cite allègrement Kervasdoué, il ressort que chez les mineurs les plus fortement exposés au diesel pendant plus de quinze ans, le risque de cancer du poumon est multiplié par 7 chez les non-fumeurs (1). L’inverse donc de ce qu’il déclare.

Depuis, de nombreuses autres études ont confirmé cela, y compris dans la population générale, et ont bien démontré que même à faible concentration, l’exposition sur le long terme à la pollution de l’air majore le risque de cancer du poumon et que ce sont les non-fumeurs et les anciens fumeurs qui voient leur risque de cancer du poumon le plus augmenté par la pollution de l’air, notamment diesel (2).

Ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer

Qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ?

Mais au-delà de l’épidémiologie, revenons à la toxicologie : qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ? Prenons les principaux éléments : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tel que le benzo(a)pyrène, tellement cancérigène que sa manipulation est désormais interdite en laboratoire, cancérigène pour de très nombreux organes, notamment pour le poumon.

C’est en grande partie sur base de la présence de benzo(a)pyrène que la cigarette a été classée cancérigène certain en 1996. En ville, le diesel représente une des principales sources d’émission de ce benzo(a)pyrène (3).

En termes de substances cancérigènes, ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer.
L’exposition à la pollution de l’air et au diesel est donc cancérigène chez les gens professionnellement exposés (garagistes, chauffeurs de bus et de poids-lourds), mais également dans la population générale (4) .

Lire aussi Moins il y a de pollution, moins nos enfants souffrent d’asthme

Rappelons que c’est sur la base de ces HAP et des métaux lourds présents à la surface des particules émises par le diesel (mais aussi par la combustion du charbon, du bois et les usines de type incinérateurs) que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a classé le diesel puis la pollution de l’air comme cancérigènes certains, respectivement en 2012 et 2013.

Toujours les mêmes substances dangereuses

Parmi tous les nombreux polluants de l’air, les substances cancérigènes sont toujours les mêmes : HAP, métaux lourds, formaldéhyde et butadiène. Tous proviennent majoritairement en ville du trafic routier et notamment du diesel.

Dans l’air intérieur, ces mêmes substances proviennent majoritairement du tabac. Diesel et tabac ont donc de nombreux composés toxiques en commun, il est donc logique de retrouver des effets similaires sur la santé (cancer, maladies cardiovasculaires et respiratoires).

Les filtres à particules sont loin d’avoir réglé la toxicité du diesel

Certes, les pots catalytiques avec filtre à particules ont permis de diminuer certaines émissions toxiques des véhicules diesel, néanmoins les HAP cancérigènes tels le benzo(a)pyrène sont présents à la surface des particules ultrafines – qui ne sont que peu arrêtées par les filtres – et sont émis également sous forme de gaz.
Gaz pour lesquels les filtres à particules et catalyses sont peu efficaces, notamment en ville.

Les diesel, y compris récents, restent en ville la source principale de NO2, gaz toxique.

D’autre part, Jean de Kervasdoué omet de parler des autres émissions du diesel. En effet, le diesel est la principale source de NO2 (dioxyde d’azote), autre gaz extrêmement toxique pour le poumon et le système cardiovasculaire. En ville, il provient à 60 % du parc routier. Un diesel récent émet six fois plus de NO2 qu’un véhicule essence (5).

Les diesels récents potentiellement plus dangereux

Une étude récente de l’American Journal of Critical Care and Respiratory Medecine démontre que pour les asthmatiques, les diesels récents avec filtre à particule sont potentiellement plus dangereux que les diesels anciens avec davantage d’effets toxiques sur l’hyperréactivité bronchique allergique lorsque les patients sont exposés à du diesel filtré.
Les auteurs de cette étude expliquent cet effet toxique par le NO2, qui est émis en plus grande quantité sur les diesels modernes équipés de filtres à particules (6)

 

Les médecins et scientifiques du collectif Air-Santé-Climat :

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[1] J Natl Cancer Inst. 2012 Jun 6;104(11):855-68. doi: 10.1093/jnci/djs034. Epub 2012 Mar 5 : The Diesel Exhaust in Miners study: a nested case-control study of lung cancer and diesel exhaust.

[2] Olsson et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011 Apr 1; 183(7)Turner et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011 Dec 15; 184(12) — G.Chen et al. Thoracic Cancer 6(2015) 307-318Beelen et al. Epidemiology. 2008; 19: 702–10

[3]https://www.airparif.asso.fr/_pdf/publications/bilan-hap-130702.pdf

Particules ultrafines et HAP, la pollution cachée des véhicules diesel : Article sur lemonde.fr et article entier sur notre site

[4] Raaschou-Nielsen et al., Lancet Oncol. 2013 Aug;14(9):813-22

[5]http://www.asef-asso.fr/actualite/le-collectif-air-sante-climat-reagit-aux-annonces-mensongeres-sur-le-diesel/

[6]https://www.atsjournals.org/doi/abs/10.1164/rccm.201809-1657OC

Lutter pour le climat – pas au détriment de la santé

Article publié sur Alternatives Economiques.

Focalisé sur la réduction des émissions de CO2, la lutte contre la pollution conduit à une augmentation des autres polluants dans l’air. Un collectif de médecins, chercheurs et associations appelle à mettre fin à cette grave contradiction.

Jeudi 24 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ».
Cette sanction met à nouveau en lumière les contradictions de l’Etat et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui, dans leur légitime volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (en particulier de CO2), continuent malheureusement de prendre des mesures conduisant à une augmentation des polluants dans l’air.
Parmi eux, le dioxyde d’azote (NO2), mais aussi les particules fines, ultrafines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les perturbateurs endocriniens.

Une politique cohérente de lutte contre les émissions doit pourtant être présente sur les deux fronts : diminution du CO2 ET de tous ces polluants toxiques. Rappelons que la pollution atmosphérique, qui en Europe tue autant que le tabac, est responsable de 68 000 décès par an en France.

Or, la focalisation sur les seules émissions de CO2 a conduit les gouvernements successifs et l’Ademe à dégrader la qualité de l’air. La promotion des véhicules diesel pendant plus de 20 ans, via un système de bonus-malus, est en particulier une ineptie sanitaire.

Ces véhicules sont en effet à l’origine d’importantes émissions des gaz toxiques (NO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de particules ultra-fines, aux effets délétères sur les systèmes respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi que sur les fœtus.

L’hérésie du chauffage au bois

Mais on trouve bien d’autres aberrations. Par exemple, le ministère de la Transition écologique et l’ADEME(organisme sous contrôle du ministère de la Transition écologique et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) encouragent financièrement le chauffage au bois individuel.
Ils incitent également les collectivités à installer des chaufferies collectives au bois, qui ne sont que d’énormes cheminées fortement émettrices de particules ultrafines, de NO2 et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes.

Le chauffage au bois émet 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, quand les chauffages au gaz et à l’électricité n’en émettent pas du tout.

Ces HAP cancérigènes tels que le Benzo(a)pyrène sont tellement dangereux pour la santé que leur manipulation est désormais interdite en laboratoire ! Et pourtant, les principaux émetteurs de ces molécules tueuses sont le chauffage au bois, le diesel et l’incinération des déchets, tous les trois favorisés par nos gouvernements au détriment de la santé publique !

En effet, l’Ademe apporte également son soutien aux productions de chaleur par incinération, alors même qu’il s’agit d’une activité extrêmement polluante, génératrice de nombreuses molécules toxiques (HAP, dioxines bromées) majorant le risque de cancers et de troubles de la reproduction chez les riverains.

Chose incroyable, on lit même dans un rapport de l’Ademe que l’exposition aux fumées d’incinérateur ne comporte pas de dangers pour les riverains ! Cela est totalement faux, et va à l’encontre de nombreuses études et des recommandations de l’OMS et l’Unesco qui, depuis plus de dix ans, préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine.

Rappelons, en outre, que la France bénéficie déjà du plus important parc d’incinérateurs par habitant en Europe et du deuxième au monde !

Prendre en compte l’angle sanitaire

Nous souhaiterions donc à l’avenir que toutes les décisions destinées à diminuer les émissions de CO2 soient préalablement évaluées sous l’angle sanitaire, afin d’éviter des décisions qui menacent la santé et la vie de nos concitoyens.

Il est urgent que le plan Climat devienne un plan Air-Santé-Climat pour que l’argument sanitaire soit pris en compte dans chaque décision. Pour cela, nous exigeons une implication du ministère de la Santé, qui devrait avoir la co-gestion des problèmes environnementaux afin qu’action sanitaire et action environnementale soient enfin mises en cohérence.


  • Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg respire, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Florence Trebuchon, Collectif Air-Santé-Climat
  • Pr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Mallory Andriantavy-Guyon, Collectif Environnement Santé 74, Collectif Air-Santé-Climat
  • Dr Gilles Dixsaut, Collectif Air-Santé-Climat
  • Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, Collectif Air-Santé-Climat
  • Antoine Martin, Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB)
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directeur de Recherche INSERM, Collectif Air Santé Climat

Incendie de Rouen et émissions quotidiennes des industries

« L’autre risque de pollution potentiellement bien plus dangereux concerne les émissions quotidiennes de ces industries »

Un collectif de médecins et de scientifiques spécialistes des impacts sanitaires de la pollution de l’air dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’insuffisance des contrôles sur les sites industriels à risque.

Tribune. Derrière les fumées noires de Lubrizol, derrière les termes « installations classées » et « sites classés Seveso », se dévoile au grand public l’opacité des industries à risque.

Lubrizol – CC – Daniel Briot (Flickr)

Le terme d’installations et de sites classés regroupe les principales usines potentiellement dangereuses allant des établissements industriels classés Seveso – du nom du village italien où une usine chimique a rejeté accidentellement un nuage de dioxine en 1976 avec des répercussions sanitaires sur des générations d’Italiens – aux incinérateurs, en passant par de nombreuses usines chimiques en tout genre.

L’accident de Lubrizol, qui est loin d’être un cas isolé, est pour nous médecins, scientifiques et ONG, l’occasion d’alerter sur l’insuffisance des contrôles qui sont imposés à ces industries. Ces accidents ne sont que la partie visible du risque sanitaire et environnemental.

L’autre risque potentiellement bien plus dangereux, bien plus opaque, concerne les émissions quotidiennes de ces industries. Les particules ultrafines recouvertes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et de métaux lourds, perturbateurs endocriniens, qui, années après années, augmenteront le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires chez les riverains, avec un risque encore plus important lorsque ces industries sont en zone urbaine.

Des dérogations

A haut risque de pollution, ces installations classées bénéficient pourtant d’un système de contrôle pour le moins complaisant et extrêmement tolérant au vu des risques sanitaires encourus.

En effet, ces industries bénéficient de dérogations méconnues du grand public. Un régime
d’auto déclaration qui autorise les industriels à déclarer eux-mêmes leurs émissions de polluants, sans qu’aucune agence indépendante, aucune agence agréée de surveillance de la qualité de l’air n’ait le droit, en routine, d’effectuer des mesures de polluants autour ou dans l’enceinte de ces industries. Il en résulte une opacité quant aux émissions réelles de ces industries.

« L’autosurveillance repose sur la confiance accordée à l’exploitant » : cette phrase figure en toutes lettres sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. De nombreux scandales, dont celui du dieselgate, nous ont amèrement rappelé que cela ne fonctionnera jamais.

Certes, les contrôles existent mais, par manque de moyens, les contrôles préfectoraux sont rares, allant d’une fois par an à tous les cinq ans. Seulement un tiers des 44 000 établissements les plus dangereux sont contrôlés tous les ans, et le nombre des visites d’inspection a diminué de 36 % en dix ans. De plus, les établissements sont prévenus à l’avance de la survenue d’un contrôle.

La fin du régime de l’auto-déclaration

En outre, les normes de pollution industrielle ne sont pas des normes sanitaires, seul le volume global de certains polluants est pris en compte, sans prendre en considération les concentrations en polluants dans l’air, et seuls quelques dizaines de polluants sont suivis sur les centaines de substances émises.

Ainsi, les particules ultrafines, qui sont les plus dangereuses en raison de leur taille et de leur surface recouverte d’hydrocarbures aromatiques, les dioxines bromées, ainsi que de nombreuses substances cancérigènes et/ou perturbateurs endocriniens, ne font l’objet d’aucune réglementation, ni surveillance, lors de leur rejet dans l’atmosphère par ces industries.

Un autre passe-droit concerne de nombreuses installations classées, notamment les incinérateurs, qui sont autorisées, à chaque arrêt et redémarrage, à rejeter dans l’air des polluants sans contrôle ni limite d’émissions.


Ces mêmes industries bénéficient également de soixante heures de dépassement annuel durant lesquelles elles peuvent rejeter des quantités de polluants sans aucune limite, et sans qu’aucune mesure des émissions ne soit effectuée et comptabilisée. Cette dérogation engendre d’importants rejets de polluants en toute légalité !

Un besoin de contrôle renforcé

Au nom de la sécurité sanitaire, nous demandons une refonte et un durcissement du système de contrôle des sites et installations classées. Notamment :

  • la fin du régime de l’auto-déclaration
  • la mise en place de contrôles des émissions par des organismes indépendants
  • des mesures déconcentration en polluants à proximité immédiate
  • la prise en compte et la surveillance de l’ensemble des polluants toxiques ,notamment les particules ultrafines.

Nous demandons des contrôles fréquents et réguliers de ces industries. Ce qui implique d’allouer davantage de moyens matériels et financiers aux organismes préfectoraux qui en ont la charge. Enfin, toute demande d’extension d’activité engendrant davantage de pollution devrait être systématiquement interdite pour les industries situées en zones urbaines.


Les signataires :

  • Docteur Mallory Andriantavy-Guyon, collectif Environnement santé 74, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Professeur Isabella Annesi-Maesano, DR1 Inserm, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Matthias Beekmann, directeur de recherche CNRS ;
  • Professeur Jean-Paul Bourdineaud, CNRS, Institut européen de chimie et biologie ;
  • Docteur Thomas Bourdrel, collectif Strasbourgrespire, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Isabelle Chivilo, Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Criigen) ;
  • André Cicolella, président du Réseau environnement santé (RES) ;
  • Docteur Gilles Dixsaut, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Stéphane Giraud, directeur d’Alsace nature ;
  • Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Pierre Michel Perinaud, collectif Alerte médecins pesticides (AMLP) ;
  • Docteur Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Michel Simonot, réseau Environnement santé ;
  • Docteur Pierre Souvet, président de l’Association santé environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat ;
  • Docteur Joël Spiroux de Vendômois, médecine environnementale, président du Criigen ;
  • Docteur Florence Trebuchon, ASEF, collectif Air-Santé-Climat ;
  • Christian Vélot, généticien moléculaire, université Paris-Sud.