Archives par mot-clé : ZFE

Pollution de l’air, impact sanitaire, ZFE

Dépassement des seuils d’alerte

Début 2019, Strasbourg et l’Alsace, une fois de plus, ont dépassé pendant plusieurs jours les seuils d’alerte de pollution aux particules fines. Ces pics de pollution sont responsables de décompensations de maladies chroniques : plus de crise d’asthme, plus de risque d’infarctus, plus d’accidents vasculaires cérébraux.

Notons qu’une partie des particules fines en cause dans ces récents pics de pollution sont des poussières de sable désertique qui ne sont pas les plus dangereuses. En effet, toutes les particules ne se valent pas en termes de toxicité. Les particules de combustion issues du trafic routier, chauffage au bois, incinération, sont de loin les plus dangereuses pour la santé humaine.

 

Rappel des médecins sur la pollution de fond

Nous, médecins sur le terrain, particulièrement mobilisés dans le cadre de la pandémie Covid-19, en contact quotidiennement avec nos patients, rappelons que la pollution quotidienne, pollution dite de fond, à savoir l’air que nous respirons tous les jours est bien plus délétère au long terme que les pics de pollution, aggravant les maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires, maladies neurodégénératives, cancers…

Nous savons de longue date que les enfants également sont touchés dès leur plus jeune âge, y compris in-utero, avec des répercussions sur le poids de naissance ainsi que sur la prématurité.

Photo by joiseyshowaa

Nous tirons la sonnette d’alarme depuis plus de 20 ans. Certains d’entre nous étaient déjà à l’origine, dès les années 1990 … de la première étude française sur le rapport entre pollution de l’air et morbi-mortalité induite. Par la suite de nombreux travaux scientifiques et publications ont confirmé le lien santé-pollution de l’air.

En  2015, plus d’une centaine d’entre nous avions signé une pétition  (du Collectif Strasbourg Respire) demandant à nos élus de  prendre le problème de la pollution à bras le corps et de passer à l’action[1]. Certains d’entre nous consacrent depuis plusieurs années une part de leur énergie à améliorer les connaissances et sont devenus des experts nationaux reconnus[2]. Les arguments d’aujourd’hui sont adossés aux données actualisées et validées de la science.

Avons-nous été entendus ?

Nous voulons aujourd’hui insister plus particulièrement sur le trafic routier qui joue un rôle important dans cette pollution urbaine : plus de 60% des émissions de NO2 et près d’un tiers des particules fines, avec la problématique prioritaire du diesel. Un diesel récent émet 6 fois plus de NO2 qu’un véhicule essence, et des particules de composition plus toxique.

Pourtant, aujourd’hui, en 2021, à Strasbourg et à l’Eurométropole, existe encore un débat, sur la date de mise en œuvre d’une zone à faible émission (ZFE) qui doit permettre autant que possible, de diminuer le trafic et d’avoir des véhicules moins polluants.

Rappelons – d’une part – que la mise en place de ces ZFE est désormais obligatoire pour les villes ne respectant pas les seuils de particules fines et de NO2, et rappelons surtout que l’impact sanitaire de la pollution de l’air ne cesse d’être revu à la hausse et impose des mesures urgentes et prioritaires[3].

Il est – dans ce contexte- difficile d’entendre certain(e)s élu(e)s demander un report ou un nouveau délai dans la mise en place d’une ZFE à Strasbourg.

La situation sanitaire liée à la Covid, ne doit pas être une excuse, au contraire même puisque nous avons des solutions concrètes et efficaces pour diminuer l’impact sanitaire de la pollution, qui de plus, constitue un facteur aggravant de la pandémie Covid-19[4].

 

Comment mettre en place la ZFE

La mise en route de la ZFE devra s’accompagner d’aides financières au cas par cas, du développement de transports en commun, des pistes cyclables de bonne qualité, et de tous les moyens possibles . Ceci, afin que tous les habitant de l’agglomération, même les plus éloignés du centre de Strasbourg puissent se déplacer sans avoir besoin impérativement d’une voiture.

La ZFE ne saurait être qu’une incitation au changement de véhicules. Il est important que des aides soient proposées pour d’autres modes de transports non polluants ainsi que pour le « retrofit » – à savoir la transformation d’un véhicule diesel ou essence en moteur électrique ou au gaz sans avoir à changer de véhicules.

Enfin, ce serait dommageable de penser que la seule mise en place d’une ZFE réglera d’un coup de baguette magique les problèmes de pollution à Strasbourg. D’autres secteurs doivent également être prioritaires tels que le secteur industriel dont la pollution reste sous-estimée et peu contrôlée[5].

Enfin, il faut cesser d’encourager le développement du chauffage au bois, individuel ou collectif, en ville, et freiner également l’incinération, au risque d’annuler tous les bénéfices attendus de la mise en place d’une ZFE.

 

Conclusion

Nous sommes également attentifs aux récents travaux rendus de la Convention Citoyenne pour le Climat, tout comme aux avis du Haut Conseil pour le Climat, en particulier concernant l’impact des gaz à effets de serre.

Nous, médecins et citoyens, en appelons à la responsabilité et au courage de nos élus et demandons la mise en application prioritaire, des mesures nécessaires à la réduction de la pollution de l’air à Strasbourg. Pour la santé publique et la santé de toutes et tous.


  • Dr Christian Michel, médecin généraliste
  • Dr Thomas Bourdrel, médecin radiologue
  • Dr Thierry Reeb médecin cardiologue
  • Dr Sophie Boivin, endocrinologue
  • Dr Anny Zorn
  • Dr Yves Duverneix
  • Dr Sauer Frédérique, cardiologue
  • Dr Foesser fabien, médecin généraliste
  • Dr Guillaume Kuntz
  • Dr Pascal Lecomte chirurgien hospitalier
  • Dr Farid Bousseksou, médecin généraliste
  • Dr Alexandre Butscher
  • Dr Lucile Ratheau médecin endocrinologue
  • Dr Barth Georges médecin généraliste
  • Dr Armelle Schuller pneumologue
  • Dr Myrian Ernst, médecin géneraliste
  • Dr Yannick SCHMITT, médecin géneraliste
  • Dr Denis Matter, médecin radiologue
  • Dr Jean Lionel Bagot, médecin géneraliste
  • Dr Sophie Rabourdin, médecin géneraliste
  • Dr Juliette Chambe, médecin generaliste
  • Dr Emmanuel Colléaux, médecin généraliste et de médecine préventive
  • Dr Gaspard Prévot, médecin géneraliste
  • Dr Karine Schutz Anheim, pneumologue
  • Dr Georges yoram federmann, Psychiatre
  • Dr Thibault Caspar, cardiologue

 

[1] www.lemonde.fr/pollution/article/2015/04/15/les-medecins-strasbourgeois-alertent-sur-les-effets-de-la-pollution-de-l-air_4616538_1652666.html

[2] Bourdrel T., Réalités Cardiologiques – n° 358_Décembre 2020 – Cahier 1

[3] Une étude inédite parue mardi 9 février dans la revue scientifique Environmental Research. Des chercheurs en santé environnementale de l’université Harvard (Etats-Unis), en collaboration avec leurs collègues britanniques des universités de Birmingham, Leicester et Londres, ont cherché à mesurer la mortalité due aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) issues de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et diesel principalement). Leurs résultats sont alarmants

[4] err.ersjournals.com/content/30/159/200242

[5] www.francebleu.fr/infos/environnement/pollution-de-l-air-une-tribune-pour-reclamer-plus-de-controles-des-emissions-industrielles-a-1603204892

Pollution industrielle de l’air à Strasbourg

Une qualité de l’air non conforme

En raison de son climat et sa géographie, Strasbourg figure parmi les villes les plus polluées de France, et, comme dans 10 autres villes françaises, la qualité de l’air n’y est pas conforme aux normes européennes.

L’Union européenne a condamné la France et lui a imposé de prendre des mesures parmi lesquelles la mise en place de zone à faibles émissions (ZFE) visant à limiter la circulation des véhicules polluants.

Cette mesure difficile est indispensable, et devra s’accompagner d’aides au cas par cas, mais nous demandons que, dans le même temps, un effort soit demandé aux autres pollueurs en commençant par le secteur industriel.

 

Opacité sur les émissions réelles en « sortie de cheminée » des industries

En effet, si la pollution industrielle a diminué ces dernières années à Strasbourg, elle reste très présente et sous-estimée, car la réglementation permet aux industries les plus polluantes (appelées installations classées) de bénéficier du régime de l’autosurveillance, autrement dit, les industries les plus polluantes s’autocontrôlent et déclarent elles-mêmes leurs émissions de polluants.

Ce « passe-droit » accordé aux industriels ne permet donc pas de connaître avec certitude leurs émissions réelles. En effet, les agences agrées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) telles qu’ATMO Grand-Est, n’ont pas le droit de mesurer autour des sites industriels et ne peuvent se baser que sur les informations fournies par les exploitants eux-mêmes.

Ce régime de l’autosurveillance est dénoncé une nouvelle fois dans le récent rapport de la Cour des comptes qui enfonce encore le clou et dénonce également de nombreux procédés – tels que le fonctionnement en « mode dégradé » – qui permet aux industriels de ne pas déclarer ni mesurer leurs émissions dans certaines conditions. Ou bien encire comme l’arrêt et le redémarrage, ou lors de dysfonctionnement-, générant ainsi une pollution qui n’est pas du tout prise en compte.

Certes, ces industries sont contrôlées notamment par la préfecture, mais les contrôles sont rares, et difficiles à mettre en place, obligeant les services de contrôle à prévenir les industriels en avance de la survenue d’un contrôle. L’insuffisance de contrôle des industries est également soulignée dans le rapport de la Cour des comptes, qui demande d’accentuer les contrôles et de renforcer le montant des sanctions.

Une grande partie des polluants émis notamment par le secteur industriel n’est pas mesurée dans l’air ambiant à Strasbourg

Autre problème majeur : dans l’air ambiant, la réglementation n’impose le suivi que de quelques polluants comme les particules fines, mais une grande partie des émissions industrielles n’est pas du tout mesurée ni suivie. Pour preuve, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) alertait en 2016 sur la dangerosité de nombreux polluants qui ne sont toujours pas mesurés dans l’air ambiant.

Parmi ces polluants toxiques non réglementés, plusieurs dizaines sont susceptibles d’être présents dans l’air strasbourgeois en raison du type d’industries en présence, citons par exemple un composé organique volatil – le Butadiène – cancérogène avéré, et le sulfure d’hydrogène.

Après les alertes de l’ANSES, c’est au tour de la Cour des comptes d’appeler à suivre et à mesurer les nombreux polluants toxiques non réglementés émis par le secteur industriel et de citer en exemple le bassin de Lacq en Nouvelle-Aquitaine, où depuis 2019 un arrêté préfectoral permet le suivi des polluants industriels non réglementés tels que de nombreux composés organiques volatils.

Or à Strasbourg, le seul composé organique volatil suivi dans l’air est le Benzène, mais qui n’est mesuré qu’une semaine par mois. Tout ce qui nous est pour l’instant proposé est la mise en place de « Nez » et d’ « applications en ligne » pour signaler les odeurs industrielles, mais cela est insuffisant et insignifiant.

Ce qui importe le plus est de caractériser et mesurer ces « odeurs » industrielles, qui dans de nombreux cas sont liées à des composés organiques volatils toxiques cancérogènes, comme le rappelle la Cour des comptes, pour qui « ces odeurs correspondent souvent à des composés organiques volatils cancérigènes et des gaz toxiques, tels que l’acide sulfurique présents dans les rejets atmosphériques, et non appréhendés par les industriels ».

 

Déjà un appel en 2015

En 2015 plus de 120 médecins strasbourgeois signaient une tribune demandant aux élus de prendre des mesures fortes contre la pollution de l’air. La limitation des véhicules polluants au sein d’une ZFE étendue à toute l’Eurométropole répond en partie à cette demande. Par exemple le contrôle des poids lourds avenue du Rhin. Mais nous demandons à Madame la Préfète du Bas-Rhin et à l’Eurométropole, que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour :

  • renforcer les contrôles des émissions industrielles
  • mettre en place de mesures des émissions industrielles par des organismes indépendants et que ces mesures soient publiques et consultables par tous
  • Mettre en place des capteurs dans les quartiers proches des zones industrielles, afin de permettre un suivi continu des concentrations dans l’air ambiant des polluants toxiques, incluant à la fois les polluants réglementés (particules fines, NO2, Benzène), mais surtout les polluants toxiques non réglementés.
    Au premier rang desquels figurent de nombreux composés organiques volatils cancérigènes ou des gaz toxiques tels que le Butadiène ou le sulfure d’hydrogène. Ce suivi des polluants pourrait être effectué par des organismes de contrôle indépendants.

 


  • Collectif StrasbourgRespire
  • Alsace Nature
  • Association des résidents rue du Tivoli et environ
  • Amicale des Habitants de l’Elsau
  • Association des habitants du quartier gare
  • Association Col’schick
  • Association des Habitants Bourse – Austerlitz – Krutenau
  • Association de Défense des Intérêts de la Robertsau (ADIR)
  • Association Zona-Ceinture verte de Strasbourg
  • Association des Résidents et Amis de Neudorf (ARAN)
  • Association Ecoquartier Danube Energies Nouvelles Strasbourg (EDEN)
  • Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV Sud)
  • Réseau Environnement Santé
  • Association Santé Environnement France (ASEF)