Les particules fines (PM2,5), pourtant considérées comme les plus dangereuses, ne sont toujours pas prises en compte pour les alertes pollution.
En 2018, les Lillois ont été exposés plus de soixante jours à des niveaux de particules fines (PM2,5 : diamètre inférieur à 2,5 micromètres) supérieurs au seuil – de 25 microgrammes par mètre cube (µg/m3) sur vingt-quatre heures – que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser plus de trois fois par an. Pourtant, jusqu’ici, la capitale des Flandres ne se distinguait pas au palmarès des métropoles les plus polluées de France.
En octobre 2017, quinze agglomérations confrontées à des problèmes récurrents de qualité de l’air se sont engagées à déployer, d’ici à 2020, des zones à faible émission, sur le modèle de Paris, afin d’exclure progressivement les véhicules les plus polluants de leurs rues. On y trouve les métropoles du Grand Paris, du Grand Lyon, d’Aix-Marseille, de Strasbourg, Nice, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Clermont, Saint-Etienne, Reims, Toulon, Rouen et même Fort-de-France. Mais pas Lille.
La métropole lilloise ne fait pas non plus partie de la douzaine de régions dont les dépassements répétés des normes de pollution valent à la France d’être renvoyée devant la Cour de justice de l’Union européenne. La cité du Nord est passée sous les radars.
Comment expliquer une telle anomalie ? Le thermomètre utilisé pour mesurer la pollution n’est plus adapté. Bien que les PM2,5 soient aujourd’hui reconnues dans la littérature scientifique comme les plus dangereuses car elles franchissent la barrière pulmonaire et entrent dans la circulation sanguine, ce sont les PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm) qui restent la référence réglementaire en matière de pollution particulaire.
Ainsi, la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, vient de connaître un nouvel épisode de pollution intense avec plusieurs jours de dépassements des normes de PM10, fixées à 50 µg/m3 sur vingt-quatre heures, soit le double du seuil de l’OMS pour les PM2,5. Le département du Nord a connu quinze épisodes de pollution aux PM10 (correspondant à vingt-six jours) en 2018 selon les données d’ATMO Hauts-de-France, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air dans la région. Mais, officiellement, aucun pic de pollution aux PM2,5.
Considérant que leurs effets sanitaires se font surtout ressentir à moyen et long terme, les particules fines font l’objet d’une réglementation annuelle et non journalière. A la différence des PM10 mais aussi du dioxyde d’azote (NO2) et de l’ozone (03), des concentrations excessives journalières en PM2,5 ne peuvent donc pas déclencher d’alerte pollution de la part des pouvoirs publics.
Révision de l’indice ATMO et discussions européennes
L’indice ATMO, qui caractérise au quotidien la qualité de l’air dans les agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants, exclut également les PM2,5. Il repose sur la mesure de quatre polluants : les PM10, le NO2, l’O3 et le dioxyde de soufre (SO2). Les associations régionales de surveillance de la qualité de l’air plaident pour une révision de l’indice ATMO afin d’y intégrer les particules fines. Une réunion est prévue mi-janvier avec le ministère de la transition écologique et solidaire pour faire avancer ce dossier.
D’autres discussions ont lieu à l’échelon européen, dans le cadre du processus de révision de la directive de 2008 sur la qualité de l’air, dans le but d’aligner enfin les normes européennes avec les recommandations de l’OMS. Aujourd’hui, la valeur limite européenne pour les PM2,5 est fixée à 25 µg/m3 en moyenne annuelle alors que l’OMS retient un seuil de 10 µg/m3.
« Les PM2,5 sont déjà un combat d’arrière-garde, le vrai danger, ce sont les PM0,1, les particules ultrafines. » Thomas Bourdrel
Pour Thomas Bourdrel, du collectif Air-Santé-Climat, « les PM2,5 sont déjà un combat d’arrière-garde, le vrai danger, ce sont les particules ultrafines ». Les PM0,1 (inférieures à 0,1 µm) pénètrent dans le sang et peuvent atteindre le cerveau ou traverser le placenta des femmes enceintes.
« Aujourd’hui, les particules issues du trafic sont à 90 % des ultrafines, alerte le radiologue, auteur de plusieurs articles de références sur ce thème. Or, il n’y a aucun lien entre une mesure en concentration massique de PM2,5 ou de PM10 et le nombre de particules ultrafines. »
Les modèles diesel les plus récents émettraient ainsi des « milliards de particules ultrafines au kilomètre », selon le professeur Gilles Dixsaut, de la Fondation du souffle. Le médecin a cette métaphore : « On utilise des outils de mesure qui pèsent des microgrammes de crottin de cheval alors qu’il y a longtemps qu’on a abandonné les fiacres. »
Stéphane Mandard (11-01-2019 – LeMonde)