Reportage sur la filière bois, son impact sanitaire et climatique avec des chercheurs du GIEC et les médecins de Strasbourg Respire.
Le combustible bois sous toutes ses formes pose en effet un sérieux problème en termes de santé publique. En France, des médecins tirent la sonnette d’alarme, car le chauffage au bois domestique est responsable de la moitié des émissions de particules fines. Une pollution qui cause chaque année chez nos voisins (français), la mort de 40 000 personnes.
Avec plusieurs dizaines de collègues, le docteur Bourdrel de Strasbourg dresse donc un bilan particulièrement inquiétant.
« Alors, il faut bien comprendre que parmi tous les polluants de l’air que l’on peut respirer, il y en a vraiment des tas, les particules de combustion issues du bois sont les plus toxiques, il n’y a pas plus toxique que ces particules. Ça va avoir des effets cardiovasculaires, on y pense pas toujours, avec plus d’infarctus, d’accidents vasculaires cérébraux. Des effets bien sûr respiratoires, avec de l’asthme, de la bronchopathie chronique, mais également des cancers du poumon.
Et surtout, ces particules de combustion, elles sont de très petites tailles, elles peuvent passer dans le système sanguin, et donner des effets sur la grossesse avec de plus petits poids de naissance chez le fœtus. »
La combustion du bois et les particules fines, quand on regarde les chiffres, cela a de quoi surprendre. En effet, de tous les combustibles, le bois est de très loin le plus polluant. Il dépasse largement le gaz et le mazout. Plus surprenant encore, en moyenne, la combustion du bois émet 4 fois plus de particules très fines que le charbon. Cette source importante de pollution passe largement sous les radars. Pourtant son impact est bien réel et malgré les progrès techniques réalisés sur les poils à bûches et à pellets, les risques pulmonaires et cardiaques ne sont pas totalement écartés.
« Alors oui, sur les émissions de particules fines et de certains polluants, effectivement les poêles à granules polluent bien moins qu’un poêle un poêle à bois classique. Mais le problème c’est qu’il n’y a pas de filtre actuellement sur les cheminées individuelles, donc même quand vous avez un poêle à bois récent, vous allez polluer le voisinage.
Et vous avez des gens qui investissent dans la maison de leurs rêves, qui font tout, qui ont une maison basse consommation, qui font tout pour respecter et faire en sorte d’élever leurs enfants dans le moins de pollution possible, et ils ont des voisins qui fument au bois, et ils sont enfumés, ils ne peuvent pas ouvrir leurs fenêtres, etc. Donc il y a un côté pollution subie qui est très importante, et on retrouve effectivement cette pollution qui est très toxique. »
La combustion du bois est la source la plus émettrice de polluants toxiques pour la santé. Les particules de combustion émises par la combustion du bois sont les plus nocives, semblables en termes de composition aux particules diesel (fioul de chauffage et gazole routier), notamment en raison des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) extrêmement cancérigènes qui entrent à la fois dans la composition des particules fines mais également des gaz émis par la combustion du bois. La combustion du bois peut émettre jusqu’à 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, et bien plus encore comparativement à la combustion du charbon ou du gaz. En plus de leur caractère cancérigène, ces particules carbonées sont également les plus toxiques pour les systèmes respiratoires, cardiovasculaires ainsi que pour le développement du fœtus.
La combustion du bois est également à l’origine d’autres polluants toxiques, notamment des composants organiques volatiles, cancérigènes également.
Dans ce contexte, encourager le développement du chauffage au bois et des centrales biomasses – qui fonctionnent en grande partie au bois – est dangereux pour la santé de nos concitoyens et incompatible avec les politiques publiques d’amélioration de la qualité de l’air notamment dans les 13 villes et territoires qui outrepassent les normes européennes.
Certes cette pollution est surtout marquée pour les anciens appareils de chauffage et tend à diminuer avec l’amélioration et le renouvellement des installations. Ainsi certaines centrales biomasses récentes sont équipées de filtres à manche permettant de diminuer les émissions mais qui laissent passer les particules ultrafines, les plus toxiques, en raison de leur taille et des nombreux hydrocarbures aromatiques polycycliques présents à leur surface.
De nombreux projets de centrale biomasse en France et à l’étranger se heurtent à l’opposition de riverains inquiets pour leur santé et d’associations en pointe dans la lutte écologique, telles que Greenpeaceou Les Amis de la Terre, qui s’accordent pour dénoncer la multiplication des centrales au bois.
Les erreurs ne s’arrêtent malheureusement pas là puisque l’État encourage – en plus de la combustion du bois – le recours à la production de chaleur par incinération. Citons l’usine Blue Paper à Strasbourg, qui a bénéficié de subventions et d’aides des collectivités et de l’Ademe pour remplacer des chaudières au gaz par un incinérateur afin de fournir la chaleur nécessaire à la production de carton recyclé. Ce passage du gaz à l’incinération de déchets augmente significativement les émissions de particules fines et de HAP.
10 % de gaz à effet de serre supplémentaires d’ici dix ans
Dangereuse pour la santé, la combustion intensive du bois n’est pas bonne non plus pour le climat. Si la croyance populaire, savamment entretenue, veut qu’elle soit neutre en carbone, en vérité, il n’en est rien : à quantité égale, la combustion du bois est plus émettrice de CO2 que n’importe quelle autre énergie ! Certes, les arbres absorbent du CO2 – CO2 d’ailleurs habilement retranché des émissions liées à la combustion du bois pour faire croire en sa neutralité carbone. Mais si celle-ci peut être réelle lors de faible consommation des ressources en bois, elle ne fonctionne plus au rythme actuel de déforestation et de consommation du bois, qui rend impossible à nos forêts de remplir leur fonction absorbeuses de CO2, y compris en Europe.
C’est le sens d’une lettre publiée dans la revue Nature – et envoyée à l’Union européenne – par des chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) . Ces scientifiques alertent sur le danger du développement industriel des forêts européennes, qui ne permet pas de compenser l’augmentation des émissions de CO2 liées au développement des centrales et chauffages au bois et ils estiment que si rien n’est fait la filière bois énergie sera responsable, à elle seule, d’un accroissement de 10 % des gaz à effet de serre dans les dix prochaines années
Les médecins appellent à une évaluation plus fine des polluants
toxiques dans l’atmosphère
Nous, médecins et professionnels de santé, rappelons également que les polluants toxiques sont insuffisamment évalués et réglementés dans l’air ambiant, notamment les polluants émis par le secteur industriel incluant les centrales au bois et incinérateurs. Nous insistons sur l’importance d’instaurer des valeurs limites et une surveillance des polluants toxiques non encore réglementés, comme le préconise l’Anses, et nous demandons une révision des normes pour les polluants les plus nocifs comme les HAP. En effet, sur la dizaine de HAP cancérigènes, seul le benzo(a)pyrène bénéficie de valeurs limites dans l’atmosphère, mais il s’agit de normes annuelles et non journalières. En outre, la Convention de Genève prévoyait en 1997 de diviser par un facteur 10 ces concentrations annelles (de 1ng/m3/an à 0,1ng/m3/an) ce qui n’est toujours pas appliqué !
Premiers médecins et professionnels de santé signataires (lorsque pas de villes citées après le nom, il s’agit de Strasbourg)
Dr Thomas Bourdrel, radiologue
Dr Christian Michel, médecin généraliste
Dr Thierry Reeb, cardiologue
Dr Schmoll Laurent, ORL
Dr Catherine Jung, médecin généraliste
Dr Anny Zorn, médecin généraliste
Dr Boivin Sophie, endocrinologue
Dr Annic Jarnoux, médecin généraliste
Dr Jean Marie Diancourt, pneumologue
Dr Myriam Ernst, médecin généraliste
Dr Jean Louis Bagot, médecin généraliste
Dr Frédérique Sauer, cardiologue
Céline Bruderer, sage-femme
Dr Claire Wilhelm, médecin généraliste
Violaine Marcant, orthophoniste
Dr Denis Matter, radiologue
Dr Farid Bousseksou, médecin urgentiste
Joëlle Berger-scheydecker, kinésithérapeuthe
Dr David Dadoun, cardiologue
Dr Benjamin Brodaty, anesthésiste-réanimateur
Dr Christelle Brodaty, biologiste
Dr Sophie Rabourdin, médecin généraliste
Dr Juliette Chambe, médecin généraliste
Dr Daniel Wiedemann, médecin généraliste
Rita-Marianne Lange, psychologue clinicienne
Luisa Weiner, neuropsychologue, Maître de Conférences en Psychologie
Dr Claude Schaal, radiologue
Dr Julien Frey, médecin Unité de Soins Palliatifs
Dr Bruno Hauss, anesthésiste-réanimateur
Françoise Caillet psychologue
Dr Alexandre LECLERCQ, pneumologue
Dr Guillaume MICHEL, ophtalmologue
Dr Thomas Lefranc, psychiatre
Dr Olivier Rahimian, ophtalmologue
Dr Vanessa Juif, gastroentérologue
Dr Rivera, Chirurgien
Dr Emmanuel Dautheville, cardiologue
Dr Jean LONSDORFER, Ancien PU-PH Physiologie et Explorations Fonctionnelles
Respiratoires et du Sport, HUS
Dr Julie Blavin, ophtalmologue
Dr Gaspard Prevot, médecin généraliste
Dr Jean-Marie MONSCH, gastroentérologue
Dr Christophe Marcot, pneumologue
Dr Arnaud Pfersdorff, pédiatre
Dr Valérie Ronzino-Dubost, chirurgien-sénologue
Dr Clarisse Gilles, médecin généraliste
Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de recherche INSERM / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR
Docteur Mallory Guyon, médecin généraliste, les Houches
Docteur Gilles Dixsaut, Comité Francilien contre les maladies respiratoires
Docteur Pierre Souvet, cardiologue, Vitrolles
Docteur Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche LPC2E-CNRS
Dr Hélène Cléry, médecine générale, Pujaut
Murie Auprince, diététicienne, Saint Gervais
Dr Richard Faitg, anesthésiste, les Hôpitaux de Léman
Dr Anne-Louise Durand, Dermatologue
Dr Lamia Kerdjana, Anesthésiste-réanimatrice ,Présidente de Jeunes Médecins IDF
Dr Julien Petit, médecine du sport Annemasse
Dr Alicia Pillot, médecin généraliste Heyrieux
Dr Christine Malfay-Regnier, ophtalmologue, Valence
Docteur Patrick Lemettre, médecin généraliste
Dr Philippe Kuentz, dermatologue, Grenoble
Dr Séverine Guyon Gillig, médecine générale Strasbourg
Dr Mélanie Popoff. Médecin spécialiste en Médecine Physique et de Réadaptation Bordeaux
Dr Sylvie Langlais, gynécologue Metz
Docteur Xavier FEINTRENIE, pneumologue Vandoeuvre les Nancy
Dr MANGILI ANAELLE Médecine Générale
Dr luc quintin, anesthésiste réanimateur
Dr Juliette FERNOUX Médecin généraliste
Gabriel Ullmann, Docteur-ingénieur chimiste, ancien expert auprès des tribunaux.
Esther JACKY Sage-femme libérale
Réseau Environnement Santé (RES)
Association Santé Environnement France (ASEF)
Collectif Air- Santé-Climat
Association pour le Respect du Site du Mont Blanc (ARSMB)
Un décès sur cinq dans le monde serait lié à la pollution de l’air
En France, près de 100 000 décès seraient attribués chaque année aux particules fines issues de la combustion des énergies fossiles, selon une étude de Harvard. Le double de l’estimation officielle des autorités sanitaires.
Le nombre de décès imputables à la pollution de l’air est très largement sous-estimé. Tel est l’enseignement majeur d’une étude inédite parue mardi 9 février dans la revue scientifique Environmental Research. Des chercheurs en santé environnementale de l’université Harvard (Etats-Unis), en collaboration avec leurs collègues britanniques des universités de Birmingham, Leicester et Londres, ont cherché à mesurer la mortalité due aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) issues de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et diesel principalement). Leurs résultats sont alarmants.
En France, selon leurs calculs, près de 100 000 décès prématurés (97 242) seraient attribués chaque année à la pollution de l’air extérieur liée aux énergies fossiles. Soit 17,3 % de l’ensemble des décès. Un bilan en hausse de près de 45 % par rapport à la dernière estimation : une étude publiée en mars 2019 dans l’European Heart Journal, la revue médicale de la Société européenne de cardiologie, évaluait à 67 000 le nombre de décès liés à la pollution de l’air, toutes sources confondues. 97 242 morts, c’est plus du double du chiffre officiel de 48 000 décès retenu depuis 2016 par Santé publique France et repris dans toutes les communications institutionnelles pour alerter des dangers de l’exposition à un air dégradé.
Le même différentiel se retrouve à l’échelle de la planète. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réfère toujours à 4,2 millions de décès imputables à la pollution de l’air extérieur, sur la base de l’année 2016. Les chercheurs de Harvard arrivent eux à un total de 8,7 millions de morts prématurées sur la base de l’année 2018. Soit un décès sur cinq dans le monde. La Chine, où la situation s’améliore cependant depuis une dizaine d’années, paie toujours le plus lourd tribut avec 2,4 millions de victimes.
Résolution spatiale
Comment expliquez que la mortalité attribuée à la pollution de l’air ait pu à ce point être sous-estimée jusqu’ici? Tout d’abord, à la différence des évaluations précédentes, qui s’intéressaient à toutes les PM2,5, sans chercher à les distinguer en fonction de leur source d’émission, les auteurs se sont concentrés sur les particules d’origine fossile. Or, comme le rappelle le professeur Thomas Bourdrel, du collectif Air-SantéClimat et auteur de plusieurs publications de référence sur la pollution de l’air,« toutes les particules ne se valent pas ».
Parce qu’elles comportent un noyau central de carbone pur et qu’elles sont entourées à leurs surfaces d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérogènes, les particules de combustion primaire sont « beaucoup plus toxiques» que celles formées à partir des épandages agricoles ou des poussières du désert qui avaient donné une teinte orangée au ciel dans l’est de la France samedi 6 février.
Afin d’identifier et de mesurer la concentration dans l’air des particules issues de la combustion fossile, les chercheurs ne se sont pas contentés, à la différence des études précédentes, d’analyser les images satellites. Ils ont utilisé un modèle mathématique de résolution spatiale en 3D baptisé GEOS-Chem et développé par l’université Harvard qui permet de reconstituer les transferts de pollution dans l’atmosphère en Les évaluations précédentes s’étalent Intéressées à toutes les particules fines, sans distinction temps réel. «Le modèle divise le monde en de multiples « boîtes » de 50 km sur 60 km. Il nous a permis de déterminer les niveaux de concentrations en particules issues de la combustion fossile dans chaque boîte», explique Kam Vohra (université de Birmingham), un des auteurs principaux. Désormais, nous sommes en mesure de savoir plus précisément ce que les gens respirent.» Les cartes réalisées par les chercheurs montrent ainsi qu’en France les «boîtes» virent au rouge particulièrement en Ile-de-France.
Autre piste d’explication, l’article publié dans Environmental Research se fonde sur un nombre sans précédent d’études récentes, notamment épidémiologiques, et une méta-analyse, qui n’avaient pu être incorporées dans les estimations précédentes. Grâce à ce corpus, les auteurs ont pu élaborer un nouveau modèle d’évaluation des risques.
Toxicité du chauffage à bois
Ils ont ainsi mis à jour et revu à la hausse le « risque relatif» à l’exposition aux particules fines liées aux énergies fossiles. Ils ont constaté que les effets de la pollution sur la santé étaient largement sous-estimés à la fois lors d’exposition chronique à de très fortes concentrations (notamment en Asie) mais aussi à plus faible dose comme en Europe ou en Amérique du Nord. Preuve supplémentaire que les effets délétères des particules fines, les plus dangereuses car elles pénètrent profondément dans l’organisme, se font ressentir même en deçà de la limite préconisée par l’OMS (10 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle) qui servait jusqu’ici de référence pour évaluer la mortalité de la pollution de l’air.
« Souvent, lorsque nous discutons des dangers de la combustion des énergies fossiles, c’est dans le contexte du CO2, et du changement climatique et nous négligeons l’impact potentiel sur la santé des polluants émis avec les gaz à effet de serre, commente Joel Schwartz, professeur d’épidémiologie environnementale à Harvard et coauteur de l’article. Nous espérons qu’en quantifiant les conséquences sanitaires de la combustion fossile nous envoyons un message clair aux décideurs politiques et au grand public quant aux bénéfices d’une transition vers des sources d’énergie alternatives. »
L’étude du professeur Schwartz et de ses collègues fait en revanche l’impasse sur d’autres particules, pourtant similaires en termes de toxicité et de composition: celles issues du chauffage au bois. Une étude européenne coordonnée par l’Institut Paul-Scherrer (Suisse) et publiée en novembre 2020 dans la revue Naturemontrait qu’elles comptaient parmi les plus dangereuses, en raison de leur potentiel oxydant, avec les particules métalliques générées par l’usure des freins et des pneus et des véhicules. De quoi revoir de nouveau à la hausse le bilan de la pollution de l’air dans une prochaine publication.
» Ce qu’il y a de plus dangereux pour la santé dans la pollution de l’air, ce sont les particules fines « , assure le radiologue strasbourgeois Thomas Bourdrel, fondateur du collectif Strasbourg Respire il y a six ans. Celles qu’on appelle les PM (particulate matter) tuent 48 000 personnes par an en France, devant le dioxyde d’azote et l’ozone.
En plus d’avoir des conséquences sur le système respiratoire, les particules provoquent des cancers, des infarctus, des AVC, perturbent la grossesse. « On a vu des associations avec les troubles autistiques, les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson ou la sclérose en plaques. »
Absence d’outils de mesure
« On nous dit que la pollution recule, mais on n’a pas le bon thermomètre, dénonce le médecin. Parce que c’est uniquement sur la base des PM10 qu’on déclenche des pics de pollution. »
Ces particules fines (moins de 10 μm de diamètre, six fois plus petites qu’un cheveu) restent dans les voies aériennes supérieures. Mais les PM2,5, plus petites et plus dangereuses, atteignent les alvéoles pulmonaires.
Quant aux PM1 et PM0,1, les ultrafines ou nanoparticules, ce sont les pires puisqu’elles migrent vers le sang, les organes et le cerveau. Et elles ne sont pas dosées officiellement. «Actuellement, il est très probable que [celles-ci] aient fortement augmenté, notamment avec l’utilisation des filtres à particules sur les moteurs. On a créé un nouveau type de pollution qu’on ne suit pas ! » La nocivité des PM dépend non seulement de leur taille mais aussi de leur composition.
« L’hiver, 80 % sont issues de la combustion : ce sont les plus toxiques. Elles sortent d’un moteur, d’un chauffage au bois ou d’un incinérateur. »
Dans leur noyau, on trouve du carbone pur — c’est ce noir sur la neige ou sur les façades. Il a un impact sur le réchauffement climatique, mais pas sur la santé. En revanche, ces particules portent sur leur surface des métaux lourds et des HAP, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, cancérogènes.
C’est ce qui les rend beaucoup plus délétères que d’autres familles de particules, comme le sable du Sahara, les embruns marins ou les pollens.
Focalisé sur la réduction des émissions de CO2, la lutte contre la pollution conduit à une augmentation des autres polluants dans l’air. Un collectif de médecins, chercheurs et associations appelle à mettre fin à cette grave contradiction.
Jeudi 24 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ».
Cette sanction met à nouveau en lumière les contradictions de l’Etat et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui, dans leur légitime volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (en particulier de CO2), continuent malheureusement de prendre des mesures conduisant à une augmentation des polluants dans l’air.
Parmi eux, le dioxyde d’azote (NO2), mais aussi les particules fines, ultrafines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les perturbateurs endocriniens.
Une politique cohérente de lutte contre les émissions doit pourtant être présente sur les deux fronts : diminution du CO2 ET de tous ces polluants toxiques. Rappelons que la pollution atmosphérique, qui en Europe tue autant que le tabac, est responsable de 68 000 décès par an en France.
Or, la focalisation sur les seules émissions de CO2 a conduit les gouvernements successifs et l’Ademe à dégrader la qualité de l’air. La promotion des véhicules diesel pendant plus de 20 ans, via un système de bonus-malus, est en particulier une ineptie sanitaire.
Ces véhicules sont en effet à l’origine d’importantes émissions des gaz toxiques (NO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et de particules ultra-fines, aux effets délétères sur les systèmes respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi que sur les fœtus.
L’hérésie du chauffage au bois
Mais on trouve bien d’autres aberrations. Par exemple, le ministère de la Transition écologique et l’ADEME(organisme sous contrôle du ministère de la Transition écologique et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) encouragent financièrement le chauffage au bois individuel.
Ils incitent également les collectivités à installer des chaufferies collectives au bois, qui ne sont que d’énormes cheminées fortement émettrices de particules ultrafines, de NO2 et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes.
Le chauffage au bois émet 35 fois plus de HAP cancérigènes que le fioul domestique, quand les chauffages au gaz et à l’électricité n’en émettent pas du tout.
Ces HAP cancérigènes tels que le Benzo(a)pyrène sont tellement dangereux pour la santé que leur manipulation est désormais interdite en laboratoire ! Et pourtant, les principaux émetteurs de ces molécules tueuses sont le chauffage au bois, le diesel et l’incinération des déchets, tous les trois favorisés par nos gouvernements au détriment de la santé publique !
En effet, l’Ademe apporte également son soutien aux productions de chaleur par incinération, alors même qu’il s’agit d’une activité extrêmement polluante, génératrice de nombreuses molécules toxiques (HAP, dioxines bromées) majorant le risque de cancers et de troubles de la reproduction chez les riverains.
Chose incroyable, on lit même dans un rapport de l’Ademe que l’exposition aux fumées d’incinérateur ne comporte pas de dangers pour les riverains ! Cela est totalement faux, et va à l’encontre de nombreuses études et des recommandations de l’OMS et l’Unesco qui, depuis plus de dix ans, préconisent de ne plus construire d’incinérateurs en zone urbaine.
Rappelons, en outre, que la France bénéficie déjà du plus important parc d’incinérateurs par habitant en Europe et du deuxième au monde !
Prendre en compte l’angle sanitaire
Nous souhaiterions donc à l’avenir que toutes les décisions destinées à diminuer les émissions de CO2 soient préalablement évaluées sous l’angle sanitaire, afin d’éviter des décisions qui menacent la santé et la vie de nos concitoyens.
Il est urgent que le plan Climat devienne un plan Air-Santé-Climat pour que l’argument sanitaire soit pris en compte dans chaque décision. Pour cela, nous exigeons une implication du ministère de la Santé, qui devrait avoir la co-gestion des problèmes environnementaux afin qu’action sanitaire et action environnementale soient enfin mises en cohérence.
Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg respire, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF), Collectif Air-Santé-Climat
Dr Florence Trebuchon, Collectif Air-Santé-Climat
Pr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Mallory Andriantavy-Guyon, Collectif Environnement Santé 74, Collectif Air-Santé-Climat
Dr Gilles Dixsaut, Collectif Air-Santé-Climat
Guillaume Muller, Association Val-de-Marne en transition, Collectif Air-Santé-Climat
Antoine Martin, Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB)
Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directeur de Recherche INSERM, Collectif Air Santé Climat