En cette journée de la qualité de l’air

Tribune signée par les collectifs Strasbourg respire et l’association réinventons l’avenue du Rhin

Cancers, maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires… les conséquences sanitaires de la pollution de l’air seraient à l’origine d’après Santé Publique France de 40 000 décès prématurés chaque année. Largement dues à la circulation automobile en milieu urbain, elles touchent au premier chef les grandes agglomérations, dont celle de Strasbourg , qui figure parmi les plus polluées.

Dans ce contexte, la mise en place de la Zone à Faibles Emissions (ZFE), promesse électorale mais aussi obligation légale, avait suscité de vifs espoirs lors de son instauration, en janvier 2022, chez celles et ceux qui estiment que la santé des générations actuelles et futures devrait l’emporter sur les intérêts économiques. Hélas, force est de constater que ces espoirs auront vite été déçus au fil des reculades successives de nos élus.


Dernier coup de canif en date : alors qu’ils étaient censés ne plus pouvoir circuler sur le périmètre de l’Eurométropole dès le 1er janvier prochain, les véhicules classés Crit’Air 3 pourront continuer jusqu’à au moins fin 2026 , ce qui revient à reporter la décision pour après les prochaines élections municipales, autrement dit à maintenir le statu quo pour une durée indéfinie. Rappelons que ces véhicules dont le sursis a été prolongé sont parmi les plus polluants puisque ceux-ci renvoient aux diesels de plus de 14 ans et aux essence de plus de 19 ans.

Aux dires de nos élus, ce recul sur la ZFE serait justifié par l’amélioration de la qualité de l’air ces deux dernières années, ce qui les autorise – en toute légalité – à mettre sur pause son déploiement. Nous pourrions nous réjouir de cette timide amélioration si elle n’était pas essentiellement liée à une météo favorable ces deux dernières années. N’en déplaise aux cabinets de communication de l’Eurométropole, cette amélioration n’est donc que très peu imputable aux politiques menées jusqu’à présent.

De plus, si les seuils européens sont effectivement respectés, cela se joue à quelques microgrammes près, et nous sommes loin des nouvelles normes européennes qui entreront en vigueur au plus tard en 2030, et encore plus loin, trop loin, des normes de l’OMS qui paraissent hors de portée actuellement.
La vraie raison de ce recul de l’exécutif est donc plutôt à chercher du côté de l’impopularité de cette mesure et de ses conséquences sur les ambitions électorales des élus de tout bord.


Cette attitude est d’autant plus regrettable qu’elle s’ajoute au laxisme dont fait preuve depuis trop longtemps déjà l’exécutif de l’Eurométropole en matière de contrôles. Car les véhicules classés Crit’Air 4 ou Crit’Air 5 sont loin d’avoir disparu alors qu’ils devraient théoriquement ne plus circuler au sein de l’agglomération ; en outre bon nombre de véhicules en circulation sont dépourvus de toute vignette Crit’Air. Même en tenant compte des dérogations, il ne fait guère de doutes que la plupart de leurs conducteurs sont en infraction au regard des règles de la ZFE.

Or ces infractions ne sont pas sanctionnées, la faute, d’après l’exécutif de l’Eurométropole, aux retards répétés de l’État dans la livraison des dispositifs de contrôle automatiques que celui-ci avait promis. En réalité, pareille explication ne convainc aucunement. Si l’Eurométropole avait la réelle volonté de contrôler la bonne effectivité des règles régissant sa ZFE, elle pourrait en effet mobiliser sa police municipale, comme l’y autorise un décret paru en juillet 2023. Certes, la police municipale ne peut pas tout, et ses moyens sont limités mais si c’est une chose de ne pas pouvoir contrôler tous les véhicules en circulation dans l’Eurométropole, c’en est une autre de renoncer à en contrôler ne
serait-ce qu’un seul.

Cela étant, nous n’ignorons pas que veiller au bon respect de ces règles risque de pénaliser
davantage les couches les plus défavorisées de la population que les plus aisés. C’est la raison pour laquelle des accompagnement sont nécessaires, que ce soit via une augmentation des aides financières en faveur des plus modestes, un développement des aides au retrofit (transformer son moteur thermique en électrique sans avoir à changer de véhicule), sans parler bien sûr du réseau de transport en commun, qui gagnerait à être encore amélioré… Pour autant, nous savons aussi que les classes populaires sont aussi parmi les premières victimes de la pollution routière. Pour cette seule raison, l’abandon – tacite ou assumé – de la ZFE serait tout sauf leur rendre service.

Nier cette réalité comme le font les tribunes et prises de paroles des élus locaux « anti ZFE » nous parait irresponsable tant elles font passer l’électoralisme avant l’urgence sanitaire. Reconnaître la difficulté d’application et une forme d’injustice de la ZFE est une chose mais surfer sur son abandon dans une perspective purement démagogique est indigne des enjeux.